Les législatives britanniques du 6 mai prochain se présentent comme un tiercé ultraserré entre David Cameron, favori pour sortir les conservateurs de 13 ans de traversée du désert, le travailliste Gordon Brown mal-aimé mais dopé par le mode de scrutin et le libéral-démocrate Nick Clegg, outsider et faiseur de roi. Le dirigeant du parti comptant le plus de députés à la Chambre des communes devient traditionnellement Premier Ministre. Mais pour la première fois depuis 1974, le scrutin risque d'accoucher d'un «Parlement suspendu» où aucune formation n'obtiendrait la majorité absolue de 326 sièges, avec pour effet la recherche de coalitions. Les raisons d'un tel suspense ? Le sempiternel face-à-face Labour-Tories s'est transformé en une course à trois. Trois formations s'inscrivant dans une fourchette étroite de 28 à 34 points, avec des conservateurs en tête et des travaillistes à la traîne. Qui plus est, le mode de scrutin uninominal à un tour introduit des distorsions telles que les travaillistes pourraient décrocher un maximum de députés en arrivant 2e, voire 3e, en nombre de voix. A contrario, Nick Clegg se contenterait de 12% des sièges avec 30% des suffrages, un résultat frustrant, suffisant cependant pour envisager une coalition mais quasi taboue au Royaume-Uni. Cameron, 43 ans, archétype de l'aristocrate tory descendant du roi Guillaume IV, se présente comme le champion d'un «conservatisme moderne et compatissant» émancipé de l'héritage du thatchérisme. Gordon Brown, Ecossais austère de 59 ans, souvent caricaturé en apparatchik bourru, se pose en homme providentiel pour réduire une dette publique record sans mettre en péril la fragile reprise. Ministre des Finances de Tony Blair pendant 10 ans avant de lui succéder en 2007, il demeure impopulaire et plombé par l'usure du pouvoir. Nick Clegg, 43 ans, télégénique, polyglotte et europhile au point d'envisager l'abandon de la livre pour l'euro, renvoie dos-à-dos les deux «vieux partis» qui accaparent le pouvoir depuis 31 ans. Il séduit l'électorat enclin au vote-sanction après une grave récession, des guerres contestées en Irak et Afghanistan, et un retentissant scandale de notes de frais parlementaires. C'est «un vieux média», la télévision et non l'Internet, qui a créé l'événement avec trois débats à la mode américaine, inédits au Royaume-Uni. Les 270 minutes suivies par un total cumulé de 23 millions de téléspectateurs ont bénéficié aux quadragénaires. «La campagne s'est jouée sur l'apparence et les relations publiques», déplore Brown, éclaboussé par une bourde, lorsqu'en aparté il a traité de «sectaire» une grand-mère pro-Labour, en oubliant que son micro était branché. Elle a opposé à fronts renversés un «New Labour» insistant sur sa maîtrise de l'économie et des «nouveaux conservateurs» exprimant des préoccupations sociales dans «une Grande-Bretagne cassée». Les «Lib Dems» ont fait de la réforme électorale un préalable à toute alliance, plus aisément envisageable à gauche, surtout si Brown quitte la tête du Labour.