Garants de la confidentialité des données, les commissaires aux comptes sont menacés dans leur indépendance. Mohamed Lamine Hamdi, président du Conseil de l'ordre des experts comptables, des commissaire aux comptes et des comptables agréés, s'élève contre les dispositions du projet de loi censé réguler la profession. Les griefs du Conseil sont de deux ordres. Il dénonce le dessein de mainmise du ministère des Finances sur la profession et la volonté dissimulée d'ouvrir le secteur aux étrangers. Ce projet de loi sera étudié par l'APN dès cette session. De nombreuses critiques sont formulées. Elles concernent notamment les articles 5 et 7 du projet. L'article 5 institue auprès du Conseil national de la comptabilité plusieurs commissions. Ce qui est interprété comme une mise sous tutelle du ministère des Finances alors que la profession devrait rester indépendante. Les commissions prévues concernent l'agrément, la discipline et l'arbitrage, le contrôle de qualité ainsi que les diligences professionnelles. L'article 7 est plus explicite sur la vision du ministère. Nul expert comptable, commissaire aux comptes ou comptable agréé ne peut être inscrit au tableau de l'Ordre national des experts comptables, de la chambre nationale des commissaires aux comptes ou de l'Organisation nationale des comptables agréés, s'il n'a pas été au préalable agréé par le ministre chargé des Finances, est-il prévu dans le projet de loi. L'exposé des motifs de ce dernier n'est pas exempt de critiques. L'objectif caché du projet est essentiellement l'ouverture de la profession à l'exercice par les étrangers par tous les moyens, selon Hamdi qui s'exprimait à notre journal. Selon ce dernier, le projet comporte d'autres tares. Selon lui, le fait de séparer les corps de métiers en trois organisations (experts-comptables, commissaires aux comptes et comptables agréés) consiste à faire affaiblir cette profession, ce qui constitue un des premiers pas dans la vulnérabilité et l'affaiblissement de la profession qui devient ainsi un appât facile aux autres cabinets dans le monde. Les comptes des entreprises publiques et privées fourmillent de données sensibles qu'il ne faut pas laisser à la disposition des cabinets étrangers, selon les professionnels. En 2005, le gouvernement avait déjà tenté d'imposer cette ouverture mais la levée de boucliers des professionnels a conduit à son échec. Tout cela se fait au moment où dans le monde une volonté se dessine dans l'unité de la profession dite du chiffre car les problèmes sont communs: la formation est devenue standardisée tendant vers le diplôme unique de l'expert comptable et le coût induit de la gestion de plusieurs ordres au lieu d'un seul. Dès lors que le principe d'être Algérien est une obligation pour bénéficier d'un agrément, pourquoi l'exposé des motifs fait-il référence à l'adhésion de l'Algérie à l'OMC? s'interroge Hamdi. Après les reproches, Hamdi passe aux accusations. Dans un document qui reprend l'ensemble des griefs répertoriés contre le projet, il dénonce le rôle joué par l'administration dans le fait de privilégier un groupe de professionnels, qu'elle a utilisé contre la profession. Le document stigmatise aussi l'effacement de l'administration dans l'élaboration de textes relatifs à la mise à jour de la réglementation du barème, de la formation et à l'organisation des examens, de l'équivalence des diplômes et de la modernisation des normes d'audit. Hamdi détecte une contradiction flagrante entre la réforme du système comptable et de l'information financière pour plus de transparence et celle de la profession, et la volonté démesurée de soumettre la profession à l'autorité et à l'arbitraire. D'autres risques que fait peser cette réforme sont décriés. Elle peut avoir des conséquences sur l'économie nationale et sur la sécurité financière du pays du fait que l'une des missions principales que confie le législateur au professionnel comptable est la protection de l'épargne publique, est-il annoncé. «Nous prévoyons une catastrophe pour la profession», ajoute le document. En filigrane, il est annoncé que toute la réforme n'est destinée qu'à faire «le bonheur des cabinets étrangers. Et tout ceci ne rentre pas dans l'intérêt de l'économie nationale». Au moment où le patriotisme économique semble prendre sa place dans le discours officiel, il peut paraître curieux pour les professionnels que cette donne ne soit pas prise en compte dans un projet de loi concernant le secteur. Dans une allusion directe à l'actualité, le Conseil de l'ordre s'insurge contre le projet qui confortera, selon lui, la désignation de manière administrative le commissaire aux comptes sans aucune consultation de son institution ordinale qui a le pouvoir de conforter le professionnel dans sa mission. «Cette pratique nous fait percevoir que les scandales que nous vivons aujourd'hui, au niveau des banques, des grandes institutions et sociétés» puisent se répéter, selon Hamdi. La raison en est simple. Les commissaires aux comptes «ont été désignés, sinon cernés intellectuellement dans leur indépendance professionnelle» en subissant «l'influence de la grandeur de l'institution».