La projection du film de Rachid Bouchareb au Festival de Cannes serait-elle menacée? C'est on tout cas l'impression que donne le début de polémique lancée par un partisan de l'Algérie française, le député UMP, Lionel Luca. Une avant-première du film qui devait avoir lieu le 19 avril a été annulée par le réalisateur à la demande des producteurs. La direction du Festival de Cannes vient, par ailleurs, de programmer le film le vendredi 21 mai, soit un jour avant la clôture du Festival et cela pour éviter de perturber le cours du Festival international. Déjà, la direction conduite par Gilles Jacob avait difficilement accepté de sélectionner le film de Bouchareb sous le pavillon algérien. Pour faire taire les contestataires du Front de la droite (l'UMP venait de gagner les régionales à Cannes), elle a dû sélectionner un film qui n'est pas destiné au Festival Des hommes et de dieux de Xavier Beauvois qui fait référence aux moines de Tibhirine. Selon un connaisseur de la Croisette, c'est pour faire l'équilibre. Car le Festival de Cannes est connu pour être un grand défenseur des causes des pays du tiers-monde. À l'inverse des médias, le plus grand festival du monde, a consacré des pays très critiqués par la classe politique française, comme l'Iran, la Turquie, la Chine ou encore à des degrés moindres, l'Algérie. Mais cet espace est surtout ouvert à la question des élections libres dans les pays cités, pas à leur cinéma étatique. La situation de Bouchareb a été vécue il y a quelques années par la projection du film la Bataille d'Alger de Gillo Pentecorvo à Cannes en 2004, quand un groupe de pieds-noirs et d'anciens de l'Algérie française sont venus perturber la projection du film produit par Yacef Saâdi. Le film a été projeté en France après plus de 40 ans de censure. Cette fois encore, la projection d'un film algérien sur la guerre d'Algérie va être organisée sous haute protection, pour éviter que des agitateurs viennent perturber la fête. Le député de l'UMP avait fait campagne pour que le film ne soit pas sélectionné sous les couleurs françaises à Cannes en saisissant, courant 2009 le secrétariat d'Etat à la Défense et aux Anciens combattants. Il avait demandé au service historique du ministère de la Défense (SHD) un «avis historique» sur le projet de M.Bouchareb. En réalité, les experts militaires français n'admettent pas la version algérienne sur les massacres de Sétif et surtout le chiffre avancé de 45.000 morts. D'un autre côté, la projection du film la veille de la clôture du Festival est un mauvais signe pour le réalisateur. Puisqu'il n'aura pas le même impact dans les médias et sa projection risque de passer inaperçue. Pour le moment, le film brille plus par la polémique que par son contenu. Une polémique médiatique que n'a pas vécue le film de Mohamed Lakhdar Hamina, Chronique des années de braises qui a remporté la Palme d'or en 1975. A l'époque, le film a été surtout critiqué dans son pays par le journal El Moudjahid, qui lui a consacré un article virulent. Aujourd'hui, avec la télévision, les médias électroniques, cela peut influencer le choix ou l'avis des jurys, même si ces derniers sont installés dans un bunker: le plus prestigieux hôtel à Cannes.