C'est hier, à l'hôpital Gustave-Roussy de Paris, que Baya Gacemi s'est éteinte. Une grande dame de la presse tire sa révérence... Elle aurait bien voulu reprendre sa plume au milieu de ses collègues afin d'épier l'information. Mais la maladie en a décidé autrement, alors qu'elle avait encore tant de pierres à apporter à son grand, déjà très long parcours. D'Algérie Actualité à La Nation puis à L'Express, elle s'est toujours distinguée par sa plume, sans concession. Des concessions, elle en réservait surtout à ses collègues, amis et proches. Elle était d'une gentillesse exempte de tout reproche. Tous ceux qui l'ont connue ou qui l'ont approchée de près ou de loin, garderont d'elle un souvenir impérissable. Elle n'est pas seulement journaliste, elle était aussi manager. Elle avait fondé en 2005 un journal satirique. Mais l'aventure n'a pas duré longtemps. L'Epoque. C'était son titre. Comme si elle y entrevoyait un signe des temps. En tout cas, Baya n'a pas laissé ses collègues insensibles à son génie. Ses oeuvres complètes ont été récompensées par le prix international Omar-Ourtilène dès 2006. C'est dire que notre consoeur était loin d'être une comète dans le paysage médiatique algérien. Même si la recherche de la gloire n'était pas sa vertu cardinale. Elle préférait consacrer son énergie à observer les acteurs de la scène politique. Cela n'a rien d'étonnant pour cette diplômée en sciences politiques et en droit international après des études à la Sorbonne. Elle a rejoint le milieu de la presse dès son retour en Algérie, en 1985, dans le secteur public d'abord, avant de rallier les rédactions de journaux privés. La Tribune et L'Observateur étaient de ceux-là.La défunte était aussi écrivaine. Elle a écrit un livre intitulé Moi, Nadia, épouse d'un émir du GIA qu'elle a publié aux éditions françaises du Seuil, en 1998, et qui a été traduit en plusieurs langues. Cet ouvrage a enregistré des ventes record lors du Salon du livre organisé à Alger en 2000. Son combat ne se confine pas à la défense du droit à l'information. L'une des autres causes qu'elle défendait farouchement était la promotion de la condition féminine. Beaucoup de femmes de sa génération voyaient dans le Code de la famille un handicap, non seulement à l'épanouissement individuel de la moitié de la société, mais aussi aux libertés démocratiques. Ces dernières étaient menacées, selon elle, par d'autres procédés plus sournois. Les cercles d'influence informels, comme les tribus et zaouïas, ont été de tout temps décriés. Politique, économie et société de l'Algérie n'avaient aucun secret pour elle. Sa longue carrière lui a donné l'occasion de passer pour une analyste impitoyable et une observatrice avertie des événements qui se déroulaient sous ses yeux. Les années 1990 ont été parmi celles qui sont certainement restées gravées dans sa mémoire. C'est dans des conditions de violence terroriste qu'elle a eu à exercer la majeure partie de sa carrière. De cette période, elle a témoigné avec talent.