Les disparitions ne sont pas le fait des institutions. Ce sont des actes isolés commis par des agents de l'Etat. «Le recours à la justice paraît au mieux comme un parcours sans fin pour les uns et l'épuisement à terme de l'institution de la justice.» Cette déclaration est de Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme (Cncpphd), laquelle est censée contenir la réponse à ceux qui soulèvent la question de l'impunité. Ils avancent l'argument selon lequel la réconciliation nationale n'a pas débouché sur la condamnation des coupables. Farouk Ksentini évoquait principalement le cas des disparus lors du séminaire sur les victimes du terrorisme et la réconciliation nationale. «La situation dont nous débattons se rapporte à des faits vécus il y a de cela des années au moment où l'Etat a failli disparaître et où ses institutions ont eu à subir des attaques en règle à l'aide d'explosifs et autres engins destructeurs», souligne-t-il. Avant de poser une question de fond: «Où sont les archives et les documents pour la tenue de procès équitables?» Pourtant, des disparitions forcées ont été signalées durant ces années et il convient d'identifier leurs auteurs. Aussi, ces disparitions ne sont pas le fait des institutions. Ce sont des actes isolés commis par des agents de l'Etat. Le plus important étant qu'il «n'existe pas d'archives ou de témoignages fiables». Par ailleurs, Ksentini a défendu la Réconciliation nationale. Pour lui, notre pays a vécu de longues années de deuils, de sang et de larmes. C'est une violence «rarement connue ailleurs et cela au nom d'un islam étranger à nos valeurs et à nos traditions». L'Etat algérien a failli disparaître sous les coups de boutoir d'un islamisme intégriste. Cette situation de violence qui avait atteint des proportions sans égales «ne pouvait être résolue» que par le retour à la paix, devenu le credo de tous les citoyens algériens, que ce soit à la ville ou à la campagne. Au frémissement de dialogue suscité par la politique de la Rahma avait succédé en 1999 une action de plus grande envergure: la Concorde civile. La Réconciliation nationale a suscité, poursuit-il, un large commentaire dont certains «n'avaient pas l'innocence apparente» dont ils s'étaient affublés, niant ainsi l'impérieuse nécessité de ce projet. La première question dont il faudrait sûrement débattre, poursuit le juriste, est bien entendu, celle qui consiste à discuter de l'opportunité et du bien-fondé de la démarche de réconciliation. Sa conviction profonde est qu'au-delà des institutions et des hommes, le pays ne pouvait se passer de cette démarche devenue inéluctable et dont les acquis sont devant nous. «Le pays respire, voyage, veille, célèbre ses festivités et pratique sa religion dans une paix retrouvée et qu'il convient de renforcer encore davantage.» D'autre part, la Réconciliation nationale n'a jamais été le tombeau des droits de l'homme. Sur un autre plan et c'est probablement l'une des questions qui resurgissent le plus souvent lorsqu'une démarche de réconciliation nationale est entamée, il y a effectivement proximité et rapports entre réconciliation ouverte, amnistie et impunité. Est-ce à dire que le modèle algérien de Réconciliation nationale est entaché de ce désir d'amnistie qui se veut un moyen de dissimuler la vérité, de protéger des coupables au détriment de la justice pénale indispensable? La question est posée par Ksentini. A cette question, il ne dévoilera qu'une partie de la réponse. «Le pardon ne signifie ni l'oubli de l'offense ou de l'acte criminel subi ni l'absolution d'atrocités vécues». Il est, pour lui, vecteur de reconstitution d'un tissu social endommagé au niveau des corps, des affectivités, des comportements et des relations intergroupes et entre individus. Considéré sous cet angle, le pardon n'est pas synonyme d'impunité, précise Ksentini.