3000 attaques par mois sont enregistrées sur les différents sites électroniques en Algérie. La communauté internationale qui n'ignore pas les enjeux liés au cybercrime et au développement des technologies numériques, a privilégié l'approche transfrontalière de cette nouvelle menace. Un séminaire international ayant pour thème la cybercriminalité s'est tenu hier, à Alger. C'est là, une première, indique-t-on dans les annales de la justice algérienne. A des journalistes qui voulaient lui faire comprendre que l'Algérie n'est pas concernée par la cybercriminalité puisque la pénétration de l'outil Internet est faible, Michael Moran, officier de renseignements criminels Interpol, a lâché cette phrase: «Bienvenue au club». Pour lui, le fait que l'Etat algérien veuille doubler ou tripler le débit Internet, le crime virtuel ne fera qu'augmenter et de ce fait, il faut anticiper. En Algérie, la Toile législative relative à la lutte contre ce nouveau fléau a connu ses premiers balbutiements en 2004. Le Code de procédure pénale comportait quelques dispositions incriminant certains délits. Ce dispositif juridique a été consolidé en 2009. Cette loi complétant les dispositions du Code de procédure pénale a prévu la couverture de l'ensemble de délits se rapportant à la cybercriminalité. L'organisation du séminaire entre ainsi dans le cadre de la promotion du nouveau décret de création d'un organisme de lutte contre ce fléau, l'Office national de lutte contre la cybercriminalité. «Le décret en question portant création de l'Onlc est en voie d'achèvement et sera paraphé incessamment», a annoncé le directeur de centre de recherches juridique et judiciaire, (Crjj) Bouzerdini Djamel. Le Crjj coordonnera l'ensemble des services de police judiciaire, apprend-on auprès du premier responsable de ce centre. Toutefois, l'Algérie n'est pas à l'abri de la menace des attaques contre les institutions et les entreprises. Une centaine de magistrats issus des Etats-Unis et d'Europe ont été invités à ce séminaire. Dans ce contexte, une cinquantaine de magistrats algériens, rappelle-t-on, ont reçu une formation spéciale en matière de cybercriminalité à l'étranger. Le nombre d'attaques quotidiennes sur les différents sites électroniques en Algérie a atteint, selon des chiffres avancés par l'Eepad, de 3000 par mois. Dans ce contexte, le même responsable a estimé que «tant qu'on n'a pas encore le haut débit, propice aux attaques graves, l'Algérie continuera à enregistrer des infractions de moindre importance qui relèvent pour la plupart des tentatives d'attaques». L'attaque contre le site du quotidien électronique algérien (TSA), le piratage du site du Quotidien d'Oran, l'affaire d'escroquerie internationale via Internet appelée «fraude 419», l'utilisation du site Web pour écouler des pièces archéologiques - affaire traitée par la cour de Annaba - la diffusion de scènes obscènes sur le Net élucidée par le tribunal de Rouïba, l'intrusion dans les fichiers de la Banque d'Algérie et des Douanes nationales d'un jeune informaticien de Oum El Bouaghi, sont autant d'exemples d'attaques survenues en Algérie récemment. A cela s'ajoutent les propagandes subversives et terroristes postées sur la Toile via des sites hébergés notamment à l'étranger, vol d'informations à travers des intrusions dans les bases de données et atteinte à la vie privée. 35 affaires relatives à l'atteinte aux réseaux de traitement de base de données ont été soumises aux différents tribunaux, et 85 personnes ont été arrêtées, selon les statistiques arrêtées au 30 avril 2010. Avant même l'adoption de la loi 09-04, les divisions de la police judiciaire de différents corps de sécurité et services de renseignement ont installé des cellules de veille pour suivre et enquêter sur les infractions commises sur le Net, selon le directeur du Cnlc. C'est possible de repérer la source d'attaque et remonter à l'identité de son auteur et à son l'adresse IP à partir d'une infraction commise en utilisant les filtres de mots clés. «On peut obtenir une commission dérogatoire à l'étranger par la coopération avec des enquêteurs et les services des pays étrangers si le site à l'origine de l'attaque est hébergé à l'étranger», a indiqué le directeur général de la modernisation de la justice, Henni Abderrezak. Sur un autre registre, Michel Moran, représentant d'Interpol et sous- directeur de crime contre l'enfance, a souligné que «des millions d'images et de films pédophiles circulent sur le Net». Ce spécialiste des crimes contre l'enfance indiquera qu'«il faut surtout préparer la société, sensibiliser les internautes et élaborer des lois d'autant plus qu'une fois l'image est diffusée sur le Net, le mal est déjà fait et dans la majorité des cas, on ne peut rien faire». Des attaques cybercriminelles mettant aux prises des pays ont été évoquées par l'intervenant. Enfin, si les propriétaires des espaces hébergement de sites Web se défendent d'être responsables des contenus subversifs des sites qu'ils hébergent, en revanche, la responsabilité des dispositions de la loi 09-04 leur incombe et les oblige à dénoncer leurs auteurs. Pour rappel, sur 73 sites agréés seuls 10 sont opérationnels.