A mi-mandat, le président russe, Dmitri Medvedev, peine à mettre en oeuvre ses promesses de moderniser la Russie dans l'ombre de son puissant mentor, Vladimir Poutine, estiment des analystes. Investi le 7 mai 2008, le nouveau président diffère de son prédécesseur qui ne pouvait plus se représenter: il a treize ans de moins que M.Poutine, n'a pas servi au KGB, maîtrise parfaitement l'Internet et dit qu'il «vaut mieux la liberté que l'absence de liberté». D'une manière inédite, il avait qualifié l'an passé son pays d'«arriéré et corrompu», avec une «économie primitive» et une «démocratie faible», appelant à une modernisation tous azimuts. Depuis, «le système n'a pas changé. S'il y a eu une modernisation, elle s'est manifestée dans les paroles et non dans les actes», souligne Maria Lipman, de la fondation Carnegie. «Le pays est dirigé par Poutine et Medvedev fait figure d'adjoint pour les questions juridiques (...) Il est numéro trois dans la hiérarchie derrière Poutine et Igor Setchine», puissant vice-Premier ministre chargé de l'énergie, estime le politologue Vladimir Pribylovski, de l'institut Panorama. Selon le magazine américain Forbes, M.Poutine est en troisième position des hommes les plus influents au monde, alors que M.Medvedev se contente de la 43e place, juste derrière M.Setchine. Seuls 14% des Russes estiment que le pouvoir «réel» est entre les mains de M.Medvedev, 27% l'attribuent à M.Poutine et 53% jugent qu'ils le partagent à parts égales, selon un récent sondage de l'institut indépendant Levada. «Medvedev n'est pas sorti de l'ombre de Poutine» qui, «en espion expérimenté, avait tendu des pièges pour que son successeur se sente coincé», analyse Alexandre Konovalov, directeur de l'institut des évaluations stratégiques, laissant entendre que le système est fait de telle sorte que le président ne peut agir en toute indépendance. S'il a fait quelques gestes libéraux en faveur des ONG ou des PME, cela n'a pas changé le système en profondeur. «Le Kremlin contrôle toujours l'opposition, le Parlement, les régions et les partis politiques», souligne Evguéni Volk, analyste politique indépendant. Si M.Medvedev a été très visible sur la scène internationale en multipliant les déplacements aux quatre coins du globe, aucune des décisions majeures n'a été prise sans l'aval de M.Poutine, que ce soit la signature du traité de désarmement nucléaire avec les Etats-Unis ou l'accord sur la flotte russe en Ukraine, selon des experts. «De telles décisions sont au mieux prises conjointement, si ce n'est pas Poutine qui est la figure centrale», estime Mme Lipman. M.Medvedev a abandonné la rhétorique guerrière de M.Poutine sur la scène internationale, mais «c'est plutôt un mérite de ses partenaires», note M.Volk. «Le président américain (Barack) Obama a de facto reconnu que la Russie avait des intérêts particuliers dans l'espace post-soviétique», ajoute-t-il. Le président russe a reconnu deux régions séparatistes géorgiennes après la guerre d'août 2008. Et il vient de signer avec son homologue ukrainien un accord hautement symbolique sur le maintien de la flotte russe jusqu'en 2042. Pour M.Volk, ces succès pourraient s'avérer être des victoires «à la Pyrrhus», n'étant pas soutenus par une puissance économique. Selon le magazine russe Rousski Reporter, «le plus gros échec de Medvedev est la lutte contre la corruption», dont il a fait sa priorité: «Le marché de la corruption est estimé à 300-350 milliards de dollars, alors que les recettes du budget russe ont atteint 250 milliards de dollars en 2009».