Nick Clegg est pris dans la quadrature du cercle. Une coalition avec les Tories, victorieux des législatives mais sans obtenir la majorité absolue, est très mal vue à la base de son parti de centre-gauche. Malgré un score décevant aux législatives, le libéral-démocrate Nick Clegg tient dans ses mains l'identité du futur Premier ministre britannique, mais le choix est cornélien car il pourrait être perçu comme un affront aux électeurs ou mettre en péril l'unité de son parti. Troisième des élections du 6 mai, le chef des Lib Dems est engagé dans des négociations inextricables pour un accord de coalition avec les conservateurs de David Cameron ou les travaillistes du Premier ministre Gordon Brown qui a annoncé lundi sa démission de la tête du Labour, et par ricochet de Downing Street, d'ici l'automne. Nick Clegg est pris dans la quadrature du cercle. Une coalition avec les Tories, victorieux des législatives mais sans obtenir la majorité absolue, est très mal vue à la base de son parti de centre-gauche. Une alliance avec le Labour, présentée par ses détracteurs comme une «coalition des perdants», aurait une légitimité douteuse auprès des électeurs. «C'est une position très difficile» pour les libéraux-démocrates, explique Andrew Russell, professeur à l'université de Manchester. «Je pense qu'il sera très difficile pour Clegg de parvenir à former une coalition durable. Dans les deux cas, il y aura du mécontentement». Fidèle à sa promesse de campagne, lors de laquelle il s'est révélé au grand public, M.Clegg, 43 ans, a donné au parti arrivé en tête, à savoir les Tories, l'opportunité d'être les premiers à former un gouvernement. Plutôt classé à la droite de son parti, M.Clegg a des points communs avec M.Cameron qui a de son côté recentré son parti. Tous les deux issus d'un milieu aisé, éduqués dans les meilleures écoles du pays, ils partagent la même vision libérale de l'économie et de la société, mettent l'accent sur les libertés civiques et l'environnement. Seule l'Europe, chère à M.Clegg, les sépare vraiment. Le chef des Lib Dems a d'ailleurs souvent été décrié au sein de son propre camp comme faisant du «Cameron-lite» (Cameron-allégé). Car la base du parti et la plupart de ses autres principaux dirigeants sont plutôt au centre-gauche et nourrissent une authentique répulsion pour les Tories. «La base militante trouverait très difficile d'aller dans une coalition avec les conservateurs. Certains des députés également. Juste parce qu'ils font partie depuis maintenant des années d'une sorte d'alliance non-officielle contre les conservateurs», constate M.Russell. Pour le quotidien de gauche The Independent, une coalition Tories/Lib Dems déboucherait sur une «inévitable» scission au sein du parti libéral-démocrate, à l'image de ce qui était advenu dans les années 1930, la dernière fois que les deux partis ont collaboré au gouvernement. L'alternative incarnée par le Labour, en association avec quelques petits partis de gauche - décrite tantôt comme la «coalition arc-en-ciel», tantôt comme une «alliance progressiste» - assurerait aux Lib Dems de conserver leur unité, mais pourrait leur aliéner nombre d'électeurs. Cette coalition offrirait aux libéraux-démocrates leur meilleure opportunité de réformer un mode de scrutin qui a bloqué leur progression pendant des décennies. Mais elle serait perçue comme une «coalition de perdants», remarque M.Russell. «Il y a des questions sur la légitimité d'un tel gouvernement». Du fait du départ annoncé de M.Brown, cette coalition aurait à sa tête un Premier ministre non élu. Et la majorité absolue dont elle disposerait serait d'une poignée de sièges à peine. Elle serait donc soumise à un constant risque de défection du moindre député. «Occuper des portefeuilles ministériels compromettraient vraiment» les Lib Dems, estime M.Russell. Anticipant sur l'hypothèse probable d'une nouvelle élection dans les mois à venir, ils pourraient donc, selon lui, simplement décider de rester dans l'opposition.