L'inquiétude était forte dimanche à Bangkok après trois jours de violents affrontements qui ont transformé un quartier commercial en zone de guerre, et fait 25 morts sans que l'armée ne réussisse à faire plier les «chemises rouges» antigouvernementales. A l'issue de ce week-end sanglant, les manifestants ont ouvert la porte à des négociations avec le pouvoir, à condition qu'elles interviennent «sous la médiation des Nations unies». «Nous demandons que le gouvernement arrête de tirer et retire ses soldats» qui bloquent le quartier occupé par les «rouges» depuis début avril, a déclaré Kokaew Pikulthong, un des leaders des manifestants. Avant cette proposition, que le gouvernement a immédiatement refusée, les deux camps s'étaient nettement radicalisés depuis le lancement jeudi de l'opération militaire pour asphyxier «la zone rouge», en plein coeur de la capitale. Les soldats font désormais feu à tir tendu autour de ce quartier habituellement très couru par les touristes. Les «rouges» ont de leur côté renforcé la défense de leur «camp retranché», pendant que certains d'entre eux menaient des opérations de guérilla urbaine avec cocktails Molotov, pierres, engins incendiaires et parfois armes à feu. Ces violences ont coûté la vie à 25 personnes, toutes des civils, depuis jeudi soir, portant le bilan humain à 55 morts et plus de 1600 blessés depuis le début de la crise à la mi-mars. Dans ce contexte, la semaine qui débute lundi s'annonce très perturbée dans l'immense capitale. Les transports publics, notamment le métro, ne fonctionneront pas normalement. La rentrée scolaire a été reportée d'une semaine pour préserver la sécurité des élèves. Le Premier ministre Abhisit Vejjajiva, qui avait proposé en vain une solution politique il y a deux semaines, adopte désormais un discours de fermeté. Il a de nouveau appelé dimanche les manifestants à lever le camp en les avertissant que les opérations militaires allaient se durcir. L'armée a renforcé le blocus de la zone occupée, en bloquant ses accès et en coupant les approvisionnements en eau, électricité et nourriture. Le pouvoir a cependant renoncé dans l'immédiat à y imposer le couvre-feu, une mesure jugée trop lourde pour les habitants restés dans ce quartier plutôt huppé. De leur côté, de nombreux protestataires se sont dits prêts à affronter un éventuel assaut général des forces de l'ordre, après avoir érigé des barricades de barbelés, de pneus arrosés de kérosène et de bambous autour de la zone de plusieurs kilomètres carrés. Les plus déterminés se disent disposés à «lutter jusqu'à la mort». Les autorités ont demandé dimanche à la Croix-Rouge à participer à l'évacuation des manifestants qui souhaitaient quitter la «zone rouge», où resteraient environ 6000 personnes selon le gouvernement. «Les enfants, les femmes et les vieillards peuvent partir librement. Les hommes doivent prouver qu'ils ne sont pas armés», a indiqué le porte-parole de l'armée, Sunsern Kaewkumnerd. Conscient de l'impasse actuelle, l'un des principaux chefs des «chemises rouges» a lancé un appel solennel au roi Bhumibol Adulyadej, qu'il a présenté comme le «seul espoir» pour régler une crise qui s'éternise. «Nous ne pouvons considérer d'autre possibilité» que «d'en appeler à la bonté» du roi, a déclaré Jatuporn Prompan. Agé de 82 ans et hospitalisé depuis septembre, le monarque ne s'est pas publiquement exprimé sur la crise. Le regain de violence des derniers jours inquiétait les pays étrangers, à l'instar de la Chine, qui a exprimé ses «vives inquiétudes». Les Etats-Unis ont été le premier pays à ordonner samedi l'évacuation du personnel non essentiel de leur ambassade, et à formellement déconseiller aux Américains de se rendre dans le royaume.