D'après un sondage mis en ligne par le quotidien arabophone Al Alam, organe officiel du parti l'Istiqlal, plus de la moitié des 41.000 personnes sondées se sont prononcées contre l'ouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc. Comment interpréter ces chiffres qui vont à l'encontre des objectifs escomptés que s'est, sans aucun doute, fixé le parti du Premier ministre marocain? Abbas El Fassi n'a pas cessé, en effet, de réclamer à cor et à cri l'ouverture des frontières terrestres, entre le Royaume alaouite et l'Algérie, fermées depuis 1994. Pour rappel, Rabat avait accusé les services secrets algériens d'être derrière les attentats commis, cette année-là, à Marrakech et qui ont fait deux morts parmi des touristes étrangers alors que l'Algérie, elle-même, faisait face à des actes terroristes d'une férocité inégalée à cette époque. La revendication du secrétaire général de l'Istiqlal va cependant au-delà de la simple revendication de l'ouverture des frontières: il revendique Tindouf et le Sahara oriental! «L'Istiqlal reste attaché au droit du Maroc vis-à-vis de son Sahara oriental», avait il déclaré lors de la tenue du 15e congrès de son parti, au mois de janvier 2009, à Rabat. C'est pourquoi, le sondage qui est à mettre au crédit d'Al Alam, organe officiel du parti dont il est le patron, en plus de ne pouvoir souffrir d'aucune contestation ou forme de manipulation, revêt toute son importance. En effet, l'ouverture des frontières terrestres entre le Maroc et l'Algérie, n'est pas uniquement un souhait des formations politiques marocaines. L'héritier du trône alaouite avait lancé un appel en ce sens dans un message adressé aux participants du Sommet arabe économique qui s'est tenu au Koweït au mois de janvier 2009. «Nous ne pouvons que regretter les piétinements que connaît l'Union du Maghreb, du fait d'entraves artificielles, y compris la persistance de la fermeture absurde, par une seule partie, des frontières entre deux pays voisins», avait écrit, dans sa missive, Mohammed VI rejetant toutes les responsabilités de ce «différend» sur son voisin algérien avant d'ajouter sur un ton moins agressif: «En réitérant son attachement à l'ouverture des frontières entre deux peuples frères, le Maroc est loin d'en banaliser l'objectif et de le réduire à quelque avantage étriqué ou à un intérêt exclusif.» Tir groupé du souverain marocain et de son Premier ministre. Un seul objectif: l'ouverture des frontières. Une cible commune: l'Algérie. Pour les besoins de la cause, le pouvoir marocain allait bénéficier de relais de choix: le chef de la diplomatie française et le Guide de la Révolution libyenne. Si la sortie médiatique de Bernard Kouchner n'aura finalement surpris personne, puisqu'elle se situait en droite ligne dans la logique adoptée par son pays, elle consiste en un soutien sans faille au trône alaouite, notamment en ce qui concerne la question du Sahara occidental, celle de Mouamar El Gueddafi aura, par contre, pris de court plus d'un observateur. «La réouverture des frontières est devenue une revendication populaire et une nécessité stratégique», avait déclaré le colonel El Gueddafi à une délégation marocaine qu'il avait reçue à la fin du mois de mai dernier à Tripoli. Pour justifier cette nouvelle «incartade», il avait ajouté: «Il faut reconnaître et ne pas oublier le rôle qu'avait joué le Royaume aux côtés de la Révolution algérienne.» L'ouverture des frontières, selon le Guide de la Jamahirya, relèverait donc de la revendication populaire. A ce titre le peuple marocain vient de lui infliger un démenti cinglant. D'après un sondage mis en ligne par le quotidien arabophone Al Alam, organe officiel du parti l'Istiqlal, 53% des Marocains qui ont été sondés se sont prononcés contre l'ouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc. Le ministre français des Affaires étrangères avait, de son côté, avant lui critiqué la fermeture des frontières terrestres entre l'Algérie et le Maroc: «La frontière entre l'Algérie et le Maroc est l'une des plus hermétiques au monde», avait fait remarquer Bernard Kouchner aux élus français de la commission des affaires étrangères qui étaient en train de l'auditionner. Du côté des autorités marocaines et en particulier du Premier ministre Abbas El Fassi, ce sondage n'a pas fait l'objet de commentaires. Gageons qu'une fois l'effet de la douche écossaise passé, rien ne les empêchera de revenir à la charge.