Contre toute attente, l'Irak vient de couper l'herbe sous les pieds de ses ennemis, notamment les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël. Le gouvernement irakien a finalement accepté, dans une lettre sans équivoque adressée au secrétaire général de L'ONU, le retour sans conditions des inspecteurs en désarmement qui vérifieront ainsi et sur le terrain les allégations de ses accusateurs occidentaux. Une décision qui enlève désormais tout prétexte à une attaque militaire unilatérale des trois pays cités plus haut contre ce pays arabe qui s'est plié par ce geste aux demandes en ce sens de la communauté internationale. Celle-ci, et particulièrement la Russie et la Chine, devant les dangers que faisaient peser sur elle les délires des faucons d'un certain lobby et des va-t-en-guerre américains, a salué, dans son ensemble, la décision de la direction irakienne et a exprimé sa satisfaction après ce comportement responsable de Bagdad par rapport à la légalité et au droit international. Seuls Washington, Londres et Tel-Aviv qui cherchent à renverser le régime du président Saddam Hussein par la force et lui substituer une clique fantoche à leur solde, ont accueilli avec scepticisme et suspicion la décision irakienne et ont réclamé de nouvelles résolutions de l'ONU sur ce pays. Qualifiant dès aujourd'hui cette initiative de Bagdad de «tactique» et vouée à l'échec, le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, sans aucun argument valable, n'a pas hésité un instant pour douter de la sincérité de l'Irak, indiquant que la lettre transmise à l'ONU est simplement ce qu'il a appelé un «mouvement tactique dans l'espoir d'éviter une action ferme du Conseil de sécurité». Bien plus, le porte-voix de Washington a tenté de détourner voire occulter et dénaturer complètement le problème du retour des inspecteurs de l'ONU en Irak en soulignant cyniquement: «Ce n'est pas une question d'inspection. Il s'agit d'éliminer les armes de destruction massive irakiennes et de s'assurer que le régime irakien respecte toutes les autres résolutions du Conseil de sécurité.» Lui emboîtant le pas, son collègue britannique de Downing Street est allé, lui encore, plus loin dans cette voie en affirmant que Saddam Hussein «a une longue histoire de ne pas jouer franc jeu». «Son régime s'est moqué de toute une série de résolutions (de l'ONU)». Cette mauvaise foi toute britannique est tout autant flagrante que singulière, dans la mesure où ce personnage oublie ou feint d'oublier, que le pays qui a battu le record dans ce comportement de se moquer des résolutions de l'ONU est le protégé de son propre pays et des Etats-Unis. Il s'agit, bien sûr, d'Israël, qui est, à chaque crise au Proche-Orient avec les Pales-tiniens, aidé et soutenu, avec le droit de veto américain et britannique, à faire peu de cas des décisions du Conseil de sécurité des Nations unies. Ces manoeuvres des ennemis de l'Irak qui commencent à irriter les plus patients des observateurs partiaux et animés d'équité et de justice dans les relations internationales entre Etats, sont, dès à présent, en train de produire leurs effets contraires. Ainsi l'ancien président sud-africain, Nelson Mandéla, dont la probité et l'intégrité morale jouissent d'un grand respect partout dans le monde, n'y est pas allé par quatre chemins pour dénoncer la réaction américaine à l'initiative irakienne, en estimant que Washington n'a aucun droit de douter de la sincérité de cette offre. Il a ainsi déclaré: «Si le président Saddam Hussein a dit que les inspecteurs des Nations unies peuvent venir sans conditions, quel droit a-t-il (le président Bush) d'aller dire que cette offre n'est pas sincère?», ajoutant, comme pour insister sur cette injustice patente «Nous devons condamner cela très fortement. C'est pour cela que je critique (...) des dirigeants partout dans le monde qui restent silencieux quand un pays veut intimider le monde entier.» Quant à la position des pays arabes sur cette nouvelle tournure des événements, il semble que leur tactique aujourd'hui n'est pas vraiment différente de celle qui a prévalu lors du contexte de la guerre du Golfe de 1991. En effet, après avoir assuré l'Irak de leur total soutien lors du récent sommet arabe de Beyrouth et exigé la levée de l'embargo décrété depuis plus de dix ans contre ce pays, ce qui a quelque peu galvanisé et gonflé Bagdad dans l'épreuve de force de ces dernières semaines avec ses ennemis occidentaux, les pays arabes, notamment l'Egypte, la Jordanie, l'Arabie Saoudite et les autres monarchies du Golfe, se sont rétractés progressivement un par un jusqu'à s'aligner complètement sur les thèses maximalistes de Washington exigeant le retour sans conditions en Irak des inspecteurs de l'ONU pour vérifier son désarmement. Et si aujourd'hui Bagdad a cédé et s'est plié aux exigences américaines, c'est en partie, selon les observateurs, sous la pression des pays arabes, dont plusieurs avaient averti ces derniers jours qu'ils ne pourraient pas s'opposer diplomatiquement à une attaque militaire américaine. Ainsi, le Koweït, par qui tous les malheurs de l'Irak sont arrivés, est officiellement, aux dires de son chef de diplomatie cheikh Sabah Al-Ahmed Al-Sabah, pour une attaque contre l'Irak autorisée par l'ONU. Il est ainsi presque sur la même position qu'Israël qui pousse à la guerre contre l'Irak et qui s'y prépare activement.