Washington focalise plus que jamais sur la guerre. Hans Blix, chef de la mission de désarmement de l'Irak, et Mohamed El-Baradeï, directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea), ont achevé, hier, leur court séjour à Bagdad par lequel l'ONU a repris officiellement langue avec les dirigeants irakiens. Ceux-ci, selon les dires de MM.Blix et El-Baradeï, se sont montrés très coopératifs et ouverts à toutes les demandes des représentants de l'ONU. C'est ainsi que Hans Blix a pu affirmer à son arrivée, hier, à Larnaka (Chypre) que «les représentants du gouvernement irakien nous ont assurés qu'ils appliqueraient totalement la résolution (de l'ONU) et qu'ils coopéreraient avec nous». «Ce fut une visite constructive », a déclaré le chef de inspecteurs de la Cocovinu qui ajoute: «Nous avons mis en place le dispositif pour la nouvelle phase des inspections en Irak.» Les deux responsables de l'ONU pour le désarmement de l'Irak se sont ainsi montrés satisfaits de ce premier contact avec le gouvernement irakien. Dans ce contexte, Hans Blix a également déclaré que «le monde et le Conseil de sécurité veulent des assurances sur le fait que l'Irak n'a plus d'armes de destruction massive» alors que son collègue Mohamed El-Baradeï souligne: «Ils (les Irakiens) comprennent qu'il est de leur intérêt que les inspections se déroulent bien». Le scepticisme dont ont fait montre les uns et les autres quant à l'aptitude des Irakiens à coopérer avec l'ONU s'est ainsi quelque peu estompé après cette prise de contact réussie. Cependant au moment où les chefs des inspecteurs en désarmement de l'ONU s'affairaient, à Bagdad, à réunir les conditions de travail optimum pour les experts onusiens, Washington, a contrario, faisait monter la pression prenant prétexte des tirs de la DCA irakienne contre les avions américano-britanniques qui survolent les zones d'exclusion. Le président Bush et ses principaux collaborateurs ont monté en épingle un incident quasiment quotidien, autant que les bombardements américains contre des sites irakiens qui ont lieu dans l'illégalité totale, et découlant de la seule décision de Washington et de Londres. Voulant faire de l'incident de lundi, une sorte de casus belli de la toute dernière résolution de l'ONU, George W.Bush, de Prague, où s'ouvre aujourd'hui le sommet de l'OTAN, a déclaré que «les Etats-Unis entreprendront une action appropriée» sans toutefois préciser à quelle sorte «d'action» il faisait allusion. Cependant, à partir de Pristina, où il effectuait une visite, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, commentant les déclarations des responsables américains sur les zones d'exclusion a affirmé: «Je ne pense pas que le Conseil (de sécurité) va dire qu'il s'agit d'une violation de la résolution (1441)», comme le soutenaient les Américains qui estimaient que les tirs de la DCA irakienne sur les avions américains constituaient «une violation patente» de ladite résolution. C'est bien la première fois qu'un officiel de l'ONU prend à contre-pied les affirmations américaines, confirmant indirectement que les actions américaines dans les «zones dites d'exclusion» ne relevaient pas de la décision du Conseil de sécurité. Ce que Bagdad a toujours soutenu en ne reconnaissant pas la légalité des zones instaurées, de par le fait du prince, par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Aussi, alors que le monde essaie de trouver une issue pacifique au désarmement de l'Irak, les Etats-Unis focalisent sur la guerre et se préparent activement à cette éventualité, l'objectif de Washington demeurant le changement du régime irakien. Ce qu'indiquait sans nuance le secrétaire à la Défense américain Donald Rumsfeld. Celui-ci reconnaît ainsi que «la notion de changement de régime ne figure pas dans la dernière résolution onusienne 1441, (...) le but c'est de désarmer le régime de Saddam Hussein, mais un grand nombre de personnes pensent que la seule façon de désarmer c'est un changement de régime et cela, souligne le responsable américain, est plus discuté aux Etats-Unis qu'à l'ONU, car c'est la politique officielle américaine depuis Bill Clinton». On ne peut être plus clair. Autant dire que les décisions prises par Washington surclassent, pour les Américains, celles décidées par la communauté internationale. Et les Etats-Unis ne veulent rien moins que la guerre contre l'Irak.