Avant de quitter Bichkek, Mme Otounbaïeva a reconnu que le nombre de victimes des violences était nettement supérieur au bilan officiel. La présidente par intérim du Kirghizstan, Rosa Otounbaïeva, s'est rendue hier dans le Sud du pays pour tenter d'apaiser les tensions interethniques et a reconnu que le nombre de victimes des violences serait dix fois plus élevé que les 192 morts officiels. L'Organisation mondiale de la santé a indiqué que les violences des jours derniers auraient «affecté directement ou indirectement» un million de personnes dans cette ancienne république soviétique d'Asie centrale. Ces chiffres, 300.000 réfugiés et 700.000 déplacés à l'intérieur du pays, constituent «le pire scénario», a confié Giuseppe Annunziata, coordonnateur du programme d'aide d'urgence de l'OMS. Le sous-secrétaire d'Etat américain chargé de l'Asie Centrale et du Sud, Robert Blake, a lui exigé une «enquête indépendante» et enjoint le Kirghizistan de faire «cesser les violences qui entraînent un flot de réfugiés» en Ouzbékistan, pays voisin où il effectuait une visite. Au même moment, Mme Otounbaïeva rencontrait des habitants à Och, deuxième ville du pays particulièrement touchée par les violences qui avaient éclaté en fin de semaine dernière. Portant un gilet pare-balles, la présidente par intérim a atterri en hélicoptère et s'est exprimée devant un petit nombre de personnes sur la place centrale d'Och: «Je suis venue ici pour parler avec les gens et écouter ce qu'ils disent sur ce qui s'est passé». Avant de quitter la capitale Bichkek, Mme Otounbaïeva a reconnu que le nombre de victimes des violences était nettement supérieur au bilan officiel, comme l'avaient déjà indiqué des habitants des régions dévastées. «Je multiplierais par dix les chiffres officiels» qui font état de 192 morts et plus de 2000 blessés, a déclaré Mme Otounabaïeva au quotidien russe Kommersant. Au cours d'une réunion avec des représentants de la société civile, elle a atténué ses propos en disant que le bilan final serait «au minimum plusieurs fois supérieur» aux chiffres communiqués jusqu'ici. «Ce n'est pas qu'on cache la vérité, c'est qu'on n'a pas non plus les chiffres. Les gens ont enterré et enterrent les corps sur place», sans le signaler aux autorités, a expliqué Mme Otounbaïeva. Elle a rejeté les critiques selon lesquelles le gouvernement provisoire, arrivé au pouvoir après le soulèvement d'avril, était incapable de faire cesser les violences et de gérer la crise humanitaire. «Laissez nous un peu d'espoir! Arrêtez de répéter que nous ne faisons rien», a-t-elle lancé. Interrogée sur les conflits entre Kirghiz et la minorité ouzbek de ce pays de 5,3 millions d'habitants, Mme Otounbaïeva a reconnu que les tensions étaient «toujours élevées» et qu'il y avait déjà eu «par le passé des échauffourées. Mais on a cru que la situation allait tenir», a-t-elle dit. Historiquement, les relations entre les deux communautés sont tendues, notamment en raison de disparités économiques. Dans les années 1990, des affrontements interethniques avaient fait des centaines de morts dans la région d'Och. A l'issue de la réunion, Mme Otounbaïeva a été accueillie par une centaine de manifestants kirghiz en colère, exhibant des photos de proches disparus à la suite des violences et accusant les Ouzbeks d'avoir commencé. L'aide humanitaire internationale a commencé à être livrée jeudi aux réfugiés en Ouzbékistan, estimés à 100.000 par l'ONU. «Le gouvernement ouzbek a effectué un énorme travail pour satisfaire les besoins des réfugiés», a déclaré M.Blake dans la région ouzbek d'Andijan, proche de la frontière kirghize. Mais «le besoin le plus urgent à court terme, c'est que le gouvernement kirghiz fasse cesser les violences qui entraînent un flot de réfugiés», a-t-il insisté.