Les ménages de quatre personnes déboursent chaque jour près de 9000 DA pour une journée en demi-pension. Ville touristique par excellence, Béjaïa ne connaît pas pour l'instant le grand rush. En dehors des week-ends, les villes côtières restent bizarrement vides comme si l'été n'était pas encore là. La saison estivale ne démarre pas et ce ne sont pas les professionnels du secteur qui vont nous contredire, eux qui sont gagnés par l'inquiétude. «Nous travaillons uniquement à plein temps durant la période d'été, voilà que celle-ci se rétrécit comme une peau de chagrin», commente cet opérateur dans la ville de Tichy. Les explications ne manquent pas. A l'arrivée tardive de la saison estivale, s'ajoute l'événement planétaire du football pour donner un tableau peu reluisant de la situation. Celle-ci suscite l'inquiétude, notamment pour tous ceux qui misent sur cette période pour combler le déficit enregistré tout au long de l'année. Les commerçants, les hôteliers et tous ceux dont le gagne-pain est lié à cette période, s'interrogent. Hier, jour de repos, les établissements hôteliers ont fait le plein. Les plages étaient bondées de monde. Mais ce n'est que pour un week-end, soutient cet hôtelier qui connaît bien la situation. Tant que les résultats du Bac ne sont pas connus, il ne faut pas s'attendre à des locations de plusieurs jours, souligne-t-il. L'attente des résultats du Bac revient comme un refrain dans la bouche de nos interlocuteurs. A l'inverse de la Coupe du Monde qui n'est évoquée qu'une fois tout les quatre ans, le résultat du Bac est pour la quasi-totalité des opérateurs, le frein qui retarde le rush des vacanciers dans les plages. Cette année encore, la saison compte dix jours de moins que l'an dernier. Le Ramadhan viendra encore tout chambouler au plus fort de la fréquentation. C'est l'autre fait qui fera, que durant quelques années encore, l'été sera différent et le manque à gagner s'accumulera pour les opérateurs. Ces derniers se doivent de faire appel à leur génie pour inventer des formules alléchantes. Malgré le mois sacré, les vacanciers vont apprécier un séjour dans un hôtel. Mais le marketing hôtelier fait défaut. Les observateurs restent convaincus que cela viendra. Contrainte oblige. En attendant, le Bac fait parler de lui dans le milieu touristique. Les parents et leurs enfants sont préoccupés par les résultats. Ce n'est qu'après qu'ils prendront le temps d'apprécier les plaisirs de l'eau. Une explication pas trop convaincante car les familles algériennes n'ont pas toutes des candidats au Bac. Si tel est le cas, ces mêmes familles ne partiront en vacances qu'une fois achevées les formalités d'inscription à l'université. Ce sera alors le début du mois d'août et donc le Ramadhan. Si l'on suit ce raisonnement, les familles algériennes n'auront pas droit aux vacances. Mais la réalité est ailleurs et certains avertis le disent clairement. Les plaisirs de la mer ne sont pas si gratuits qu'on puisse le penser. S'installer au bord de la mer dans un établissement hôtelier, dans un appartement ou dans un camping, relève de tout un projet auquel de nombreuses familles algériennes doivent préparer durant toute l'année. Ce n'est pas aussi facile que cela, indiquait hier un citoyen rencontré dans un hôtel de la côte Est de Béjaïa. «Avec mon épouse et mes deux enfants, je débourse chaque jour près de 9000 DA pour une nuitée en demi-pension», nous précisait ce touriste venu de Bordj Bou Arréridj, avant de conclure: «Mon budget ne me permet qu'un séjour de six jours.» Les prix appliqués seraient-ils à l'origine de ce retard? Les opérateurs affirment le contraire. «Face aux prestations que nous mettons à la disposition de notre clientèle, nos prix restent raisonnables», soutient cet opérateur qui affirme avoir tenu compte de tous les paramètres avant de définir la tarification. Il est vrai que les hôtels ne sont pas faits pour le tourisme populaire. La clientèle ciblée est d'un autre rang social. Si le choix est orienté dans ce sens, une autre concurrence s'est manifestée ces dernières années. La Tunisie, voilà la bête noire des professionnels du tourisme en Algérie. Il faudra la combattre. Pour ce faire, il va falloir montrer plus de professionnalisme. Dans notre pays, c'est ce qui fait défaut. En l'absence de politique touristique clairement définie, le privé qui domine le secteur ne peut rien faire sauf avoir le courage d'une politique individuelle et là, le résultat n'est pas forcément garanti. On en parlera encore beaucoup dans les années à venir. Si aujourd'hui les Algériens nantis choisissent d'aller ailleurs, c'est pour rester à l'abri des regards. On se cache pour plusieurs raisons liées à la tradition, mais aussi à l'origine de l'acquisition des moyens mis en oeuvre pour assurer les vacances de luxe. Statistiquement parlant, la clientèle des hôtels de Béjaïa est constituée d'étrangers. Les locaux vont ailleurs et tout le monde sait pourquoi. Ceux qui remplissent les villes côtières de Bejaïa ne sont autres que les nantis, des wilayas limitrophes qui ont les moyens de louer dans les hôtels.