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LA TRANSPARENCE EN DEFAUT
LA CRISE POLITIQUE FRANÇAISE VUE PAR UN ALGERIEN
Publié dans L'Expression le 10 - 07 - 2010

Il serait faux de prétendre que les scandales, qui éclaboussent depuis trois semaines la classe politique française au pouvoir (affaire Woerth/Betancourt, affaire Joyandet, affaire Blanc) à quoi s'ajoute la crise de gouvernance du football français, laissent indifférents les Algériens. Certes, ni l'Algérie officielle ni l'Algérie ordinaire n'ont a priori de titre à ironiser sur les dérapages de la vie politique française; il reste cependant que le modèle français continue d'inspirer les revendications d'une partie de la société civile algérienne en faveur d'une démocratisation plus grande du pays. La proximité des liens humains, historiques, économiques et culturels tissés de part et d'autre de la Méditerranée explique l'engouement suscité par le système politique français et il est normal, somme toute, que par contrecoup, les fragilités qui l'affectent amènent une partie des Algériens à s'interroger sur les vertus, non du modèle démocratique occidental lui-même mais à l'efficacité du système de la représentation politique français. A mesure que se complexifie le fonctionnement des sociétés postindustrielles, se réduit la marge de manoeuvre des hommes politiques, cependant que leurs turpitudes supposées ou réelles deviennent plus visibles, en raison de l'omniprésence des médias, et moins acceptées par l'opinion du fait de la dégradation de ses conditions de vie, persistance de la crise oblige.
Le fait pour les Français de délivrer un chèque en blanc aux politiques une fois tous les cinq ans, sans que dans l'intervalle ils puissent exercer sur l'activité des élus un réel contrôle démocratique, éloigne de plus en plus le système politique français de celui des pays de l'Europe du Nord dans lesquels la démocratie se constate au quotidien, tandis que les élus et les hauts fonctionnaires sont tenus à une telle obligation de transparence dans l'utilisation des deniers publics que seuls les grands serviteurs de l'intérêt général et les personnes totalement désintéressées officient dans les appareils d'Etat.
Gouverner dans l'intérêt général
Même s'il convient de faire la part de la calomnie, de l'anathème gratuit, des amalgames douteux voire des procès en sorcellerie dans les affaires évoquées plus haut et dont l'issue reste incertaine, l'absence d'exemplarité des responsables publics dans leur conduite personnelle et leur gestion des deniers de l'Etat, l'indulgence trop longtemps entretenue à l'égard de la spéculation financière et boursière, le train de vie de l'Etat qui insulte à la misère des temps, l'institution d'un bouclier fiscal (tout comme l'existence de niches fiscales dont l'efficacité économique n'a jamais pu être démontrée, pour peu qu'elle ait été évaluée); cette conjonction de facteurs a fini par exaspérer les politiques honnêtes et surtout une opinion publique française invitée instamment à se mettre au régime sec après les engagements pris par l'actuel président de la République, dans l'euphorie de la campagne de 2007, de faire triompher le principe du «travailler plus pour gagner plus».
Ce climat délétère alimente plus que la circonspection des citoyens français à l'égard des déclarations d'intention de leurs hommes politiques; elle nourrit une profonde désaffection de la population pour la chose publique en général qui se traduit soit par des risques d'abstention massive aux élections, soit par l'adhésion aux thèses xénophobes, populistes et démagogiques de l'extrême droite, laquelle, de surcroît, ne manque pas d'exploiter à fond les irrédentismes communautaristes auxquels l'absence d'une véritable politique d'intégration des populations étrangères ne permet plus de canaliser. Seules de grandes consciences (et il en existe beaucoup en France: J.Delors, M. Rocard, P. Joxe, J-P. Cot, S. Hessel, J. Arthuis, J.Peyrelevade, E. Joly, R. Van Ruymbeke, C. Lepage, G.de Robien, D. de Villepin, ce dernier serait le président idéal pour redresser la France et la remobiliser) pourraient s'élever pour sonner le tocsin. Il s'agirait pour elles non seulement d'inviter l'opinion publique à une critique circonstanciée de la classe politique (afin d'éviter de jeter dans le même opprobre tous les acteurs de la vie publique et de prévenir l'antiparlementarisme toujours renaissant en France). Il serait aussi de rappeler que l'exercice de responsabilités dans les hautes sphères de l'Etat constitue un sacerdoce et que toute transgression d'un code éthique et moral de la part des femmes et des hommes politiques, lequel reste à élaborer, exposera ses auteurs au bannissement de la vie publique.
Révolutionner la culture politique
Tout comme en Algérie, la réforme économique sociale et culturelle avance, en France, à pas comptés, même si les situations ne sont pas comparables. Mais dans les deux pays, les tenants du statu quo, qui sont à la fois puissants et nombreux, n'ont pas encore pris conscience que le monde a changé, que le volontarisme politique ne commande plus ni aux choses ni aux hommes, mais que le point de non-retour qui pourrait augurer d'un nouveau conflit mondial aux dimensions inconnues pourrait être atteint, dès lors que le contrat de confiance entre les gouvernants et les gouvernés (pourtant toujours au départ précaire et révocable) viendrait un jour à voler en éclats. Le ver est dans le fruit et il grossit chaque jour.
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