Par contre, ils sont d'accord pour imposer et privilégier le chèque comme moyen de paiement. Les patrons et les experts financiers sont partagés sur les nouvelles mesures annoncées à l'issue du Conseil des ministres d'avant-hier. Le paiement par chèque ou carte bancaire lors de transactions supérieures à 500.000 DA, l'aide de l'Etat aux PME et le Code des marchés publics étaient des sujets traités par le Conseil. Habib Yousfi, président de la Confédération générale des entreprises algériennes (Cgea), a estimé que le paiement par chèque vise à atténuer le problème de l'informel et du blanchiment d'argent. «C'est une bonne chose. C'est une mesure logique», a-t-il dit. Et de justifier: «Il est plus que nécessaire d'arrêter avec la politique de transaction dans les sacs noirs. Il y aura plus de transparence dans la circulation d'argent.» En ce qui concerne le seuil des 500.000 DA, M.Yousfi a souligné qu'il «s'agit d'un seuil du premier niveau qui sera progressivement revu». Pour les délais de mise en oeuvre, la même source précise que cela nécessite l'attribution des chèques dans les plus brefs délais. Le même interlocuteur déclare que cette mesure ne portera aucun préjudice à l'économie nationale et ne va absolument pas perturber le marché. De son côté, Mohamed Saïd Naït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien a qualifié la mesure de «décision raisonnable». «Nous sommes, presque, le seul pays au monde, qui fonctionne avec la politique des sacs en plastique. Cette mesure aurait dû être mise en place bien avant afin d'assurer plus de transparence et éviter la circulation du liquide», nous a-t-il confié. Slim Othmani, président-directeur général de NCA Rouiba, ne partage pas le même avis. Pour lui, cette mesure qui vient de confirmer la volonté des pouvoirs publics de réduire la circulation de l'argent liquide, n'est pas suffisante pour atteindre les objectifs escomptés. «Cette mesure ne va pas résoudre le problème, mais c'est la surliquidité des banques qui va s'aggraver», a-t-il dit. La menace réelle vient de l'informel. «Il y a les producteurs informels qui constituent un circuit de distribution de l'argent liquide. Le plus judicieux est de trouver des solutions au circuit informel», a-t-il expliqué. Et de préciser qu'on aurait pu arrêter le seuil de transaction à un million de dinars. Ce dernier s'attaque également au système financier algérien qu'il qualifie d'archaïque. «Est-ce que le système financier algérien est prêt à supporter de telles charges?», s'est-il interrogé. L'urgence est de moderniser le système financier. Les experts financiers critiquent de leur coté la faisabilité de cette mesure. «Cette mesure n'a aucun sens. Elle n'est pas justifiée économiquement. Elle n'aura aucun effet sur la politique monétaire», a déclaré un expert financier, sous couvert de l'anonymat. Et d'ajouter: «La monnaie qui circule aujourd'hui en liquide est égale à 15% du PIB.» Pour ce dernier, le seuil de 500.000 DA est très élevé. «500.000 Da est égal à 20 fois le salaire moyen. Ce seuil est très élevé. C'est une mesure qui va arranger les patrons. Elle est conçue pour eux», a-t-il précisé. En ce qui concerne l'aide de l'Etat aux PME, M.Yousfi a applaudi cette démarche. «L'Etat a encore annoncé des mesures encourageantes pour les PME, mais elles doivent être suivies par d'autres mesures d'assouplissement pour les producteurs en matière de transactions extérieures», a t-il dit. Estimant que cette mesure traduit la volonté des pouvoirs publics d'aider les PME à se développer pour soutenir la concurrence avec le monde extérieur, M.Yousfi souhaite qu'il y aura d'autres dispositions qui vont aider les producteurs dans l'importation de leurs intrants. Naït Abdelaziz estime, quant à lui, que le problème ne se pose pas dans les mesures d'accompagnement destinées aux PME, mais plutôt dans la mise en oeuvre de ces dispositions. «Le blocage se situe au niveau de l'application de la politique d'aide. Je dirais qu'il n'y a pas de suivi. L'administration bloque la mise en oeuvre de mesures destinées au développement des PME», a-t-il analysé. M.Othmani, de son côté, a qualifié la décision de l'Etat d'intéressante, tout en appelant à donner l'occasion aux entreprises nationales de profiter de l'expertise internationale. «Il faut laisser les PME se libérer, se développer en faisant appel aux expériences internationales.» En ce qui concerne les dispositions introduites dans le Code des marchés lesquelles favorisent les entreprises nationales, les mêmes interlocuteurs étaient unanimes à les considérer comme positives. Du moment qu'elles sont destinées à encourager les entreprises nationales afin de se hisser au rang mondial de la compétitivité. Les mêmes responsables estiment que cela va permettre aux entreprises nationales de se préparer dans ce cadre. «Les entreprises nationales doivent se mettre à l'heure de la concurrence aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif», ont-ils conclu.