Deux stagiaires diplômés sur dix issus des Centres de la formation professionnelle dans une wilaya du pays décrochent un emploi. En d'autres termes, 8 sur 10 vont grossir les rangs des candidats au chômage dont le taux dépasse allègrement et officiellement les 30% de la population active. Cette situation pourrait être répertoriée, sans risque de se tromper, dans d'autres wilayas, si ce n'est dans toutes les wilayas du pays. Conjuguée au flot annuel des déperditions scolaires qui se chiffrent, elles aussi, en centaines de milliers de jeunes, ce gâchis autant financier qu'humain en termes de marginalisation d'un immense potentiel pour l'avenir du pays, alimente en permanence les ingrédients de la crise de confiance entre ces laissés-pour-compte d'une certaine gestion et les pouvoirs publics. Si on lui ajoute la persistance depuis des décennies de l'indomptable crise du logement dont le déficit en la matière dépasse 1 million d'unités, les projets en cours de préparation relatifs à la fin d'une grande partie de la gratuité des soins pour les plus démunis, et surtout, tout le canevas des dépassements et des abus en tous genres allant de la hogra à la corruption qui gangrène les rouages de l'administration algérienne notamment au niveau local, on arrive au magma actuel qui caractérise la société algérienne. Les 14 ou 15 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans un pays qui dispose dans ses caisses de pas moins de 22,5 milliards de dollars de réserve de change, ne comprennent pas comment les partis politiques qui, en théorie, sont l'émanation des populations et devraient en principe défendre leurs préoccupations dans leur programme, se metten, eux aussi, de la partie et restent confinés dans des thèmes de campagne électorale très éloignés de la réalité, pour ne pas dire proches des thèses des gouvernants ou carrément démagogiques. Pour certains citoyens, c'est de bonne guerre que les représentants de l'Exécutif défendent leurs options politiques et économiques, quitte à ce qu'ils ne rendent pas compte aux populations à la fin de leur mission, mais que les représentants des partis politiques, par ignorance, par incompétence, par calculs politiciens ou plus simplement par connivence avec les premiers cités, occultent superbement les vrais enjeux de ces locales, pour ne parler que des généralités et des péripéties de la politique internationale telle que les menaces d'attaques contre l'Irak ou la solidarité avec les Palestiniens, relève de la supercherie et dénote le peu de sérieux que se font certaines formations de la détresse et des doléances des citoyens. Certes, il y a, parfois, dans cette campagne électorale, des boutades qui laissent perplexe, comme ce chef de parti qui a proposé, lors d'un meeting, de consacrer pas moins de 5 milliards de dollars pour réduire, selon lui, le taux de chômage, sans dire comment il pourra avoir cette somme ou plus simplement comment il va procéder pour pousser les pouvoirs publics à la dégager. Bref, ceci expliquant cela, si le courant semble difficile entre les représentants des partis et une grande partie de la population, c'est que, selon beaucoup, les deux parties ne vivent pas les mêmes problèmes. Les formations politiques semblent agir comme si elles vivaient sur une autre planète, focalisant leurs interventions électorales le plus souvent sur de grands axes d'ordre politique ou purement idéologique alors que les citoyens attendent, eux, des solutions plus terre à terre aux immenses dysfonctionnements locaux qui se répercutent inévitablement sur leur mode de vie. En somme, à l'heure où l'Etat-providence a vécu et le peu qui reste est décidé à se désengager de toute la sphère économique et sociale, les citoyens se demandent qui sera l'arbitre de la jungle qui est en train de s'instaurer dans le pays, à la faveur de cet ultra-libéralisme rampant et des multiples déréglementations qu'il a générées. Peut-être que les enjeux de ces rapides mutations, qui dépassent le citoyen ordinaire et ne sont pas vulgarisés et expliqués, dépassent les partis politiques eux-mêmes qui n'ont, jusqu'à présent, pas mis sur le devant de la scène leurs experts et leurs études propres dans ces domaines. Les normes pour un pluralisme crédible sont encore très loin de la démocratie à l'algérienne.