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Les IDE en panne ?
Conjoncture
Publié dans Liberté le 15 - 02 - 2010

Un certain nombre d'informations et de rapports établis par des institutions officielles et rendus publics au cours des dernières semaines semblent confirmer une réaction et une évolution fortement défavorable de l'investissement étranger en Algérie en 2009 dans le sillage des mesures de “recadrage” adoptées par les pouvoirs publics.Dès la fin du mois de décembre dernier, c'est le rapport semestriel du Cnes qui pointait des investissements très modestes au 1er semestre 2009 – environ 12 milliards de dinars – soulignant l'incapacité persistante de notre pays à constituer “un pôle d'attraction pour l'investissement étranger en dépit des efforts de l'Etat algérien”.
Cette formulation prudente et teintée d'un humour sans doute involontaire est également celle d'une autre institution officielle, l'Andi, qui révélait voici quelques jours devant la presse et par la bouche de son directeur général, M. Abdelkrim Mansouri, que le nombre de projets d'investissements étrangers enregistrés par son agence était tombé au nombre insignifiant de 4 en 2009 contre 102 projets recensés en 2008. Bien que le DG de l'Andi prenne la précaution d'attribuer cette évolution à une courbe baissière enregistrée à l'échelle mondiale en raison de la crise financière, il signale également qu'elle s'explique par “les nouvelles mesures prises par l'Algérie en matière d'entrée des capitaux étrangers à la faveur des dispositions de la LFC”, soulignant encore que “de nombreux promoteurs étrangers continuent de manifester leur désir d'investir en Algérie et sollicitent les services de l'agence pour s'imprégner des nouvelles conditions d'implantation”.
Absence de bilan
La place réservée à l'investissement étranger dans la stratégie de développement économique de l'Algérie semble être à géométrie variable et tributaire des humeurs changeantes de nos dirigeants. Pour ne parler que de la période récente, le début de la décennie avait été marqué par un large programme de libéralisation du cadre juridique accompagné, on s'en souvient, d'une vaste campagne de communication internationale destinée à “promouvoir la destination Algérie”.
Les résultats obtenus, sans être exceptionnels, ont permis d'enregistrer une première vague d'investissements significatifs en dehors du secteur des hydrocarbures. Ces investissements ont contribué de façon non négligeable à la modernisation de secteurs entiers de l'économie et de la société algérienne au cours des dernières années. L'exemple du téléphone mobile est le plus spectaculaire, mais il est loin d'être le seul concerné.
Cette modernisation s'est traduite à la fois par des créations importantes d'emplois le plus souvent bien rémunérés, par l'apparition de nouveaux produits et de nouveaux services mais également, on en parle moins souvent, par l'introduction de nouvelles méthodes de management, de gestion des ressources humaines et de marketing.
Sur un plan plus strictement quantitatif, la réalité de l'investissement étranger en Algérie reste, en dehors du secteur des hydrocarbures (près de 18 milliards de dollars d'investissements étrangers entre 2001 et 2008, selon un bilan récent établi par le ministère de l'Energie), celle de flux relativement modestes par rapport aux économies voisines ou comparables. Depuis le début de la décennie en cours, les données fournies par l'Andi à fin 2008 font état d'un montant global de 7,9 milliards de dollars. Ces investissements ont pour principale caractéristique d'être faiblement diversifiés sur le plan sectoriel. Près de 60% sont orientés vers le seul secteur des télécommunications. Un peu plus de 5% seulement sont réalisés dans le secteur industriel. Les investissements étrangers en Algérie sont, en outre, marqués par une forte concentration du point de vue de leur origine géographique. Près des deux tiers sont des capitaux arabes et plus de la moitié des investissements réalisés ou en cours de réalisation à fin 2008 était le fait du seul groupe Orascom.
Notons néanmoins que ces indications générales n'ont nullement valeur de bilan et que ce dernier, qui concerne pourtant la politique menée pendant toute la décennie écoulée, n'a été pour l'heure dressé par aucune institution nationale.
Quelques repères
En dépit du caractère encourageant de ces premiers résultats, ils sont loin d'avoir placer l'Algérie au rang des destinations favorites des flux d'investissements étrangers au sein de la région. Les bilans établis dans ce domaine par la Cnuced sont la source d'information la plus fiable et la plus synthétique.
Au cours de l'année 2007, dernière année pour laquelle on dispose d'informations détaillées, l'Algérie était classée au 8e rang en Afrique avec des entrées de 1,8 milliard de dollars. Bien que ce montant soit en progression sensible et régulière depuis le début de la décennie, notre pays reste dans ce domaine à bonne distance des champions du continent que sont le Nigeria, l'Afrique du sud et… l'Egypte. Dans chacun de ces trois pays, les entrées d'investissements étrangers dépassent depuis plusieurs années le cap des 10 milliards de dollars par an. (11,5 milliards de dollars en Egypte en 2007). Les performances de notre pays ne sont pas meilleures si on les compare à celles de nos voisins méditerranéens. Les comparaisons établies pour la région par le réseau Anima nous classe non seulement derrière le trio de tête constitué par la Turquie (plus de 20 milliards de dollars d'entrée d'investissement étrangers en 2007), Israël (près de 15 milliards) et l'Egypte, mais également derrière le voisin marocain qui fait presque 2 fois mieux que nous, derrière le Liban qui a attiré près de 3 milliards de dollars d'investissement en 2007 et même derrière la petite île de Chypre coupée en deux et politiquement instable qui en a, quand même, accueilli plus de 2 milliards.
Les indications disponibles pour les années 2008 et 2009 sont plus générales. Elles traduisent deux tendances principales : la première est une baisse sensible des flux d'investissement transnationaux consécutive à la crise financière. La seconde est la plus importante du point de vue qui devrait nous intéresser : elle indique que cette tendance générale a épargné les pays émergents où les entrées d'investissements ont continué de croître au rythme de 7% en 2008.
Instabilité et changements de cap
La faible ancienneté de notre politique d'ouverture à l'investissement étranger, l'absence d'un bilan approfondi sur ses apports et ses enjeux et le caractère relativement modeste des flux enregistrés au cours de la décennie écoulée n'ont pas empêché les autorités algériennes de s'engager récemment dans une démarche de “recadrage” que beaucoup d'observateurs analysent comme un durcissement des conditions d'investissement en Algérie.
Le dispositif annoncé en décembre 2008 par les instructions de M. Ahmed Ouyahia et confirmé par la loi de finances complémentaire pour 2009 s'appuie sur trois mesures principales. La première concerne la détention de la majorité du capital. Tout investissement étranger en Algérie doit désormais “aboutir à une répartition du capital dans laquelle l'actionnariat national est majoritaire”.
La deuxième mesure est relative à la balance en devises des projets d'investissement qui sont tenus de “dégager une balance en devises excédentaire au profit de l'Algérie pendant toute la durée de vie du projet”.
La loi précise, enfin, en troisième lieu que “tout octroi d'avantages à l'investissement étranger doit spécifier clairement que les montants équivalant à ces avantages fiscaux douaniers et autres seront déduits des bénéfices éligibles à transfert vers l'extérieur”.
Ces différentes dispositions destinées essentiellement à freiner les transferts de bénéfices dont les montants ont alerté les autorités algériennes traduisent un net changement de cap. Elles ont provoqué une série de réactions défavorables dont les plus notables sont celles des autorités françaises qui ont pris assez maladroitement, à la fin de l'été dernier, la tête d'une campagne de contestation de ces mesures en tentant d'y associer l'ensemble de leurs partenaires européens.
Cette campagne est à l'origine d'une brouille que la récente visite à Alger d'une délégation du Medef a cherché à dissiper. Quelques-uns des principaux dirigeants du patronat français ont, à cette occasion, multiplié les déclarations apaisantes sans que les sujets qui fâchent soient abordés de façon frontale.
Des résultats fragiles
Les mois qui viennent devraient confirmer l'impact négatif des récentes orientations des autorités algériennes sur les flux d'investissements étrangers en direction de notre pays. Cet impact négatif a été renforcé par la fragilité des résultats obtenus au cours de la dernière décennie.
La forte prépondérance des capitaux d'origine arabe dans les investissements réalisés et attendus a augmenté l'impact de la crise financière, qui a frappé de plein fouet beaucoup d'investisseurs de la région, sur les projets prévus en Algérie.
La faible diversification des investissements réalisés et le caractère éventuellement clientéliste du choix des partenaires étrangers est également un facteur de fragilité. De ce point de vue, l'évolution des relations entre les autorités algériennes et le groupe égyptien Orascom va forcément jouer un rôle important. Ce dernier, après avoir été pendant longtemps le partenaire privilégié de l'administration algérienne au point de concentrer plus de la moitié des investissements étrangers réalisés depuis le début de la décennie en dehors du secteur pétrolier, est entré depuis plus d'une année dans une zone de turbulences dont les développements ont fait la une de l'actualité nationale au cours des derniers mois. Le sort qui sera réservé à ce dossier et la volonté ou non des deux parties de trouver une issue favorable à leur conflit, dont les tenants et aboutissants ne sont pas d'une grande lisibilité même si les transferts réalisés par le groupe égyptien semble en être le motif essentiel, auront sans aucun doute un impact considérable sur l'image, la capacité d'attraction et les performances futures de notre pays en matière d'investissement étranger.
En dépit de ces perspectives peu réjouissantes, quelques résultats à contre-courant de la tendance générale ont été obtenus au cours des derniers mois. Dans le secteur financier, l'augmentation du seuil légal du capital minimum des banques et des institutions financières a provoqué, à la fin de l'année 2009, des entrées importantes de capitaux investis en Algérie par la quinzaine de banques privées étrangères présentes sur le marché algérien.
Depuis quelques semaines, on évoque également avec insistance la possibilité d'un accord de partenariat entre le groupe Renault et la SNVI pour la construction, à Rouiba, d'une importante usine de montage de véhicules de tourisme.
Dans les deux cas, c'est un certain pragmatisme, l'examen des spécificités d'un secteur et l'exploitation de notre principal atout, c'est-à-dire la taille du marché algérien, qui ont permis d'obtenir des résultats et qui restent les arguments les plus convaincants à l'intérieur d'un cadre juridique devenu fort rigide. C'est peut-être une leçon à méditer.


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