Depuis la dissolution des principales entreprises cinématographiques et audiovisuelles, en 1997, l'Algérie n'a plus produit de film ou presque... Et pourtant, plusieurs réalisateurs ont réussi au prix d'importants efforts, à mettre en scène leurs oeuvres, en partenariat ou en coproduction avec d'autres pays du Bassin méditerranéen. Alors que d'autres, qui ont réussi à décrocher une coproduction à l'époque du Caaic, certains voient leur film jeter dans les tiroirs secrets et poussiéreux de la défunte entreprise du cinéma algérien, en attendant un repreneur sérieux ou la prise en charge des autorités compétentes. C'est le cas, notamment, de la superproduction algéro-uzbeck Sogdiane. Une oeuvre digne des grandes fresques hollywoodienne de Cecil B.Demil et qui a coûté à l'Algérie, à l'époque du tournage en 1992, plus de 20 millions de dinars. Cette coproduction, entre le Caaic et Meros film de l'Ouzbekistan, a été magnifiquement réalisée par le réalisateur ouzbek Guinas Chermoukhamedov, aidé de deux assistants algériens, Ghaouti Bendedouche et Rabia Benmokhtar. Ces derniers ont, notamment, tourné les images algériennes, en particulier, celles relatives au décor islamique et mozaïque du Palais du peuple d'Alger. D'ailleurs, plusieurs techniciens et surtout comédiens ont pris part au tournage de cette oeuvre d'art et de cinéma. On cite au passage: Djamel Benskaa au décor, Hamouini et Toumi à l'image et au son. Alors que Mahi et Ahmed Diab étaient au groupeman et à la régie. Côté acteurs, on enregistre la première participation au cinéma de Karima Yahiaoui, plus connue par sa tenue kabyle et qui gagne en notoriété avec «Assa Nazha». D'autres grands noms du paysage audiovisuel algérien forment le casting de ce grand film : il s'agit notamment de Mohamed Benguetaf, Hamid Achouri ou encore Hamid Chabouni qui était membre «des Folies bergères» aux côtés des frères Mesbah, en 1987. Selon un accord de production signé en 1992, Sogdiane devait s'étaler sur deux épisodes de 80 minutes. La première partie s'appelle Le grand Touran, alors que la deuxième partie s'intitule Sogdiane, demeure des Dieux. Le film devait être distribué dans les salles obscures avant d'atterrir à la télévision pour une diffusion ramadanesque. L'oeuvre, filmée d'une manière très artistique, retrace les événements historiques qui se sont déroulés en Asie centrale au milieu du 6e siècle. La première partie, Le grand Touran, nous plonge dans la capitale de l'Oural, Balassagoum, où deux frères se disputent le trône du défunt roi Kagan. L'un des deux frères, déchu du trône s'évade alors avec sa fiancée Emissaï. Mais celle-ci devient, entre temps, l'esclave du Shah d'Iran et entraîne le jeune prince dans un parcours de combattant pour libérer sa dulciné. Pour ce qui est de la deuxième partie Sogdiane, demeure des Dieux, elle est consacrée aux croisières musulmanes en terre asiatique, brossant le portrait d'un des plus illustres guerriers arabes et général de l'armée musulmane dans la conquête des terres asiatiques, Kouteiba Ibn Muslim et son combat contre l'empereur mongol Sogde Gourek. C'est cet épisode qui illustre le mieux le travail des Algériens dans ce film. Malheureusement, pour les spectateurs algériens, ils devront encore patienter pour découvrir ce joyau du cinéma historique, qui traite de l'islam et qui est resté otage de la bureaucratie algérienne. En effet, le réalisateur ouzbek Giyas Chermoukhamedov, après avoir exploité le film en version russe, sur le continent asiatique, où il fut très bien accueilli par la critique et le public, et où il remporta aussi plusieurs prix, dans les festivals organisés dans les pays de l'ancienne fédération de Russie, a remis le négatif du film au directeur algérien de production, le faire doubler et l'exploiter au niveau des pays arabes. Malheureusement, ce responsable de la production algérienne s'est vu notifier le refus du ministère de la Culture (seule institution habilitée à prendre en charge les aspects cinématographiques après la dissolution du Caaic) de financer le doublage en arabe de cette superproduction, prétextant ne pas avoir le financement nécessaire pour l'opération et qui est estimé à 10 millions de dinars. Devant cet état de fait, le réalisateur qui, en attente du négatif depuis plus de deux ans, menace de récupérer son oeuvre pour qu'un autre pays arabe profite de sa commercialisation. Si le ministère de la Culture (qui s'est réuni cette semaine pour étudier soigneusement le plan de relance et de sauvetage du secteur cinématographique) ne prend pas les mesures nécessaires pour débloquer des fonds pour sauver le film, l'Algérie et le septième art algérien perdront l'occasion inespérée de redorer le blason de la culture algérienne et rendre ses lettres de noblesse à une expression artistique qui a toujours honoré l'image du pays.