Constat n Mascarades, un film réalisé par Lyes Salem, a marqué l'année 2008 en accumulant, ça et là, prix et distinctions à chaque manifestation cinématographique. Ce film a représenté l'Algérie dans différents festivals internationaux au Caire comme à Dubaï, en France comme en Tunisie. Face à cet exploit cinématographique, la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, a adressé dans un communiqué parvenu à toutes les rédactions, ses félicitations à Lyes Salem. «Mascarades est en train d'accumuler les prix à chaque manifestation cinématographique où il est présenté. Cette large reconnaissance prouve deux choses : d'abord que, lorsqu'une œuvre est de bonne facture, elle réussit à toucher les publics du monde entier, mais aussi que le cinéma algérien retrouve vigueur et énergie avec l'émergence de jeunes talents tels que vous.» Dans un autre communiqué, la ministre a déclaré : «Cette reconnaissance prouve, si besoin était, qu'à travers de jeunes talents comme vous [Lyes Salem], le cinéma algérien est bel et bien de retour.» Et de poursuivre : «La vitalité retrouvée du cinéma algérien au cours de ces dernières années, doit beaucoup aux jeunes cinéastes, tels que Lyes Salem.» Qu'une ministre prenne la peine de s'adresser à un artiste dans quelque domaine que ce soit pour le féliciter est un fait peu habituel chez nous et Khalida Toumi n'en a que du mérite à innover dans ce sens. Seulement, on aurait voulu partager son euphorie et son enthousiasme et croire que réellement le cinéma algérien est de retour. Mais comment le peut-on en sachant que notre cinéma, loin de retrouver ses lettres de noblesse, peine à renaître et à se restructurer ? Tous les films réalisés durant ces quelques dernières années sont certes signés par des cinéastes algériens, à l'exemple de Nadir Moknèche ou Abdelkrim Bahloul, mais ils sont coproduits. Et ils le sont, il faut le dire, à hauteur de plus de 50%, avec des producteurs français. Idem pour Mascarades. En plus, ces cinéastes vivent en France même s'ils sont Algériens. Si les films, auxquels on aimerait bien pourtant reconnaître fièrement la totale paternité algérienne, sont des coproductions, donc largement financés par des producteurs français, comment peut-on prétendre à un réel retour ou bien à une renaissance du cinéma algérien ? Camper sur de telles convictions s'avère indubitablement un leurre. La question du cinéma en Algérie demeure hélas, et malgré tous nos vœux, problématique, si ce n'est irrésolue, puisque l'Algérie se révèle incapable encore de faire un film à 100% algérien, de qualité, donc de fabriquer une image qui lui est authentiquement propre. Car même les quelques films localement produits relèvent de l'ordre de l'amateurisme. Pour preuve : les seuls films qui ont réussi à s'illustrer à l'étranger en 2008 sont bien des films coproduits avec la France ou un autre pays. Mascarades, Maison Jaune (Amor Hakkar) ou encore Affaires d'hommes (Amine Qays). La nécessaire coproduction l Faute d'organismes chargés de prendre en charge et de promouvoir les métiers du cinéma et d'encourager la création et la production filmique, le cinéma algérien semble se rabattre sur la coproduction, d'où d'ailleurs l'accord de coopération dans le domaine cinématographique venant récemment d'être ratifié, au mois de décembre 2008, entre l'Algérie et la France. En effet, une délégation française, constituée de professionnels du cinéma, à sa tête Véronique Cayla, directrice générale du Centre national de la cinématographie (CNC), était venue à Alger pour valider l'accord réfléchi et formulé, rappelons-le, en 2003, entre le ministère de la Culture et de la Communication français et le ministère algérien de la Culture. Ce protocole de coopération stipule un partenariat complet, c'est-à-dire qu' il ne concerne pas uniquement la coproduction, mais également et au sens large du terme, tous les secteurs annexes du cinéma, à savoir l'exploitation, la distribution, la diffusion, la formation, la valorisation ou réhabilitation des archives… En somme, ce protocole s'organise comme un dispositif, voire un système visant à porter notamment une aide financière au cinéma algérien. Mais doit-on recourir à l'aide étrangère pour que l'Algérie fasse son cinéma, sachant que le cinéma algérien peut avoir, comme ce fut déjà le cas dans les années 70, son heure de gloire ? A-t-on besoin de l'apport des producteurs français – ou même européens – pour être représenté dans les festivals internationaux ? A-t-on besoin d'un protocole de coopération pour fabriquer notre propre image ? En l'absence d'une volonté politique soucieuse de fabriquer une image authentiquement algérienne, un accord d'association et de partenariat est nécessaire. Mais ce protocole ne porterait-il pas atteinte à l'identité cinématographique algérienne ? La partie algérienne ne serait-elle pas assujettie au bon vouloir des producteurs français ? Car, d'ordinaire, l'imaginaire et l'esthétique obéissent et sont adaptés à l'organisme qui les finance.