Un ministre de Sarkozy défend la proposition de déchéance de la nationalité française de personnes d'origine étrangère. De quel pays êtes-vous? Réponse: «Voyou». Non, nous ne sommes pas en plein délire. Cependant, on se demande si le ministre français de l'Industrie ne l'est pas? «Français ou voyou, il faut choisir», a déclaré, le 10 août, Christian Estrosi sur les ondes d'Europe1. Et pour entourer d'un peu plus de flou le projet en gestation de Nicolas Sarkozy sur le retrait de la nationalité française à une catégorie de délinquants d'origine étrangère, il a poursuivi: «Il appartient au Parlement de définir un seuil au-delà duquel on ne peut pas être déchu de sa nationalité.» Les propos tenus par le ministre de l'Industrie sont doublement graves et dangereux: comment peut-on en effet comparer une forme de délinquance à une nationalité? A moins que le maire de Nice ne veuille dire que lorsqu'on est voyou on ne peut qu'appartenir à une autre nationalité que la nationalité française. Etre voyou n'indique pas une appartenance à une nationalité. «Voyou» n'est ni une nationalité, encore moins un pays. Alors, pourquoi vouloir créer ces amalgames et semer la confusion au sein de la société française et exacerber les sentiments racistes parmi les couches les plus défavorisées, beaucoup plus sensibles à ce type d'argument, particulièrement en période de crise économique. Michel Rocard n'a pas été par trente-six chemins. Il n'a pas hésité à qualifier ce climat malsain que veut instaurer la droite française en vue de l'élection présidentielle 2012, de politique de guerre civile. Il a ouvertement accusé le président de la République française de vouloir faire descendre les gens dans la rue. «On ne peut pas expulser à tour de bras n'importe qui. Seulement les discours changent en fonction des gens auxquels on s'adresse. Quand on va chercher l'électorat du Front National, voilà sur quels scandales on débouche. La loi sur les mineurs délinquants passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n'avait pas vu ça depuis Vichy, on n'avait pas vu ça depuis les nazis. Mettre la priorité sur la répression, c'est une politique de guerre civile», a déclaré l'ancien Premier ministre socialiste dans une interview accordée à l'hebdomadaire Marianne. Les accusations sont violentes mais à la mesure du tour de vis que veut donner le chef de l'Etat français à sa politique sécuritaire, déjà assez répressive surtout en matière d'immigration. Son objectif encore inavoué est de conserver vaille que vaille son fauteuil à l'Elysée en 2012. Pour cela il a lâché ses fidèles lieutenants dans l'arène (Brice Hortefeux, le ministre de l'Intérieur, son ministre chargé de l'Industrie...). Christian Estrosi a estimé insupportable que Michel Rocard ait fait référence aux nazis. «Michel Rocard est quelqu'un que j'apprécie beaucoup et que je respecte, par ailleurs. Mais cela fait près de 20 ans qu'il n'est plus maire d'une commune où on a des problèmes. Le monde a changé. M.Rocard devrait s'en rendre compte», a ajouté l'ancien président du conseil général des Alpes-Maritimes, qui est également conseiller politique de l'UMP, pour tenter de convaincre que l'ex-Premier ministre socialiste était à côté de la plaque. Nicolas Sarkozy et Christian Estrozi qui sont eux aussi respectivement fils d'immigrants hongrois et italiens peuvent-ils être concernés par les propositions du président de la République française sur la déchéance de nationalité de certains délinquants d'origine étrangère? «Si vous êtes en France depuis 3 ans, 5 ans ou 10 ans et que vous refusez un certain nombre de principes et violez la loi en permanence, c'est inacceptable. Bien évidemment, quand on est français de première génération et que cela fait 30 ou 50 ans qu'on a exercé des responsabilités sociales et professionnelles, on n'est pas concerné. Il appartiendra au Parlement de définir un seuil. Mais nous sommes sortis d'une espère de pensée unique que tout le monde a entretenu. Nous disons: Français ou voyou, il faut choisir.» Les deux hommes ont plus de cinquante ans. Ils sont nés la même année, en 1955. Ils font partie de cette première génération d'immigrés, qui les a exclus de ce projet, à laquelle fait allusion Christian Estrosi. A la même époque, une génération de jeunes Algériens a pris les armes pour mettre fin à 132 ans de colonialisme féroce. Certains de leurs enfants et leurs petits-enfants qui sont nés en France et ont choisi d'y vivre librement, le paient aujourd'hui.