La salle de spectacle s'est avérée trop étroite pour contenir la déferlante humaine qui a envahi les lieux. Comme de coutume, le chantre de la chanson algérienne d'expression amazighe, Lounis Aït Menguellat, a réussi à charmer le nombreux auditoire qui a assisté à son concert, samedi soir, à la Maison de la culture de Tizi Ouzou, dans le cadre du programme des veillées artistiques du mois de Ramadhan de cet établissement culturel. Comme il fallait s'y attendre, la salle de spectacle s'est avérée trop étroite pour contenir la déferlante humaine qui a envahi les lieux peu de temps après la rupture du jeûne, dans l'espoir d'occuper une place. Beaucoup de fans, surtout des familles qui ont voulu éviter la mêlée formée devant les accès, n'ont pu y accéder, la salle ne pouvant contenir tout ce monde. Pendant près de deux heures, le maestro de la chanson kabyle a gratifié ses admirateurs d'un spectacle à la hauteur de la renommée de l'artiste, toujours égal à lui-même, en interprétant un chapelet de chansons puisées de son riche répertoire, accompagné de ses fils Djaâfar et Tarik, le premier jouant de la flûte et le second de l'harmonica. Durant cette mémorable soirée, qui sera suivie par une autre programmée au même lieu dans la soirée de dimanche, les mélomanes et autres adeptes de métaphores expressives qui font la force de ce poète hors pair, ont renoué avec les airs nostalgiques et envoûtants du troubadour, allant de porte en porte pour clamer haut ce qu'il croit être la vérité, comme il le chante dans son tube «Ameddah». Succédant à son fils qui a animé un intermède musical, l'auteur de «Askouti» (Qui ne veut pas l'être) monta sur scène vers 22h30 mn, habillé d'une chemise noire, tout comme ses deux fils membres de l'orchestre. Après avoir salué l'assistance qui l'acclama chaudement, il entra tout de suite en la matière, en invitant les spectateurs à voyager avec lui à travers l'espace et le temps, dans une ambiance cathartique et complice qui s'est spontanément imposée dans la salle pour mieux écouter et apprécier les paroles du sage, dont s'abreuve toute âme à la recherche de la quiétude et de l'harmonie. Regard scrutateur d'un lointain horizon, buste en avant et penché sur son inséparable compagne (guitare), Aït Menguellet, adorateur de la lumière irradiant les ténèbres de rais d'espoir, entame son récital par sa chanson fétiche et énigmatique «O Soleil ne te couche point, éclaire notre longue marche de ta lumière», avant de changer de registre et d'enclencher avec une série de chansons sentimentales composées dans sa prime jeunesse (dans les années 1970), telles que Urdjigh (L'attente languissante), Tavrast (Le message) ou Ardjouyi (Ne me quitte pas) chanson très prisée de tout temps par les jeunes et déclinée sur le mode de la litanie pathétique de Jacques Brel. S'adressant à la jeunesse, nombreuse dans la salle, le ciseleur du verbe leur dédia le tube Echfaoua (Souvenir) où il évoque les trois événements majeurs rythmant la vie humaine: la première rencontre amoureuse, la perte d'un ami et le jour du mariage. Dans son nouvel album intitulé La feuille blanche, par allusion à la difficulté d'inspiration qu'éprouve, à la manière d'un candidat devant une feuille d'examen, tout poète quand sa muse refuse de lui obéir, le sage fait observer que la vie est faite de ceux qui profitent de l'existence, car sachant qu'on ne meurt qu'une seule fois, mais il y a aussi ceux qui se complaisent dans une attente indéfinie, en croyant alléger leur sort accablant en implorant et en gémissant. La troisième catégorie est composée de rêveurs qui se réfugient dans une vie mystique croyant prendre leur revanche sur le sort ici-bas. L'artiste a clos sa soirée par l'interprétation de son immuable chef-d'oeuvre Aka ammi (C'est comme ça que tu prendras de la maxime de «la fin justifie les moyens» par ceux qui sont tentés par l'accès au pouvoir. Dans cette chanson, Aït Menguellet donne une leçon politique à travers un dialogue entre un père illettré, mais aguerri par la vie et la connaissance de la nature du genre humain, et un fils généreux et bardé de diplômes, mais naïf et sans expérience.