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La chicha, la chamia, le café turc et la zetla
NUITS RAMADHANESQUES À ORAN
Publié dans L'Expression le 31 - 08 - 2010

Le papier-massa de type Bob Marley et le bout de la plaquette marocaine se substituent à la hrira épicée dès l'appel du muezzin.
«Ils s'abstiennent de prendre toute nourriture pendant la journée et se droguent chaque soir dès que les haut parleurs des mosquées retentissent pour annoncer la rupture du jeûne», déplorent plusieurs Oranais. La consommation de la drogue et des psychotropes a explosé pendant ce mois sacré, un peu partout dans la ville d'Oran. Aucun n'est épargné.
Le papier-massa, type Bob Marley, et le bout de plaquette marocaine remplacent la hrira épicée. Dès que le muezzin appelle à la rupture du jeûne, des jeunes, moins jeunes, adultes et même des jeunes filles accourent aussitôt vers leurs cachettes, retirent leur papier cigarette et des bouts de cannabis pour confectionner aussitôt leurs joints dont la consommation est interdite le jour pendant tout un long mois. Lorgnant les mouvements des Véto des policiers, ces drogués se mettent en groupe se passant leurs joints à tour de rôle, dans les entrées, caves et terrasses des immeubles.
Les occupants des immeubles ne savent plus à quel saint se vouer. D'autres à la fois libertins et audacieux adjoignent cette dose habituelle, comme ingrédient principal dans le menu du diner en clôturant le repas à la table même du diner. La consommation du kif constitue l'un des plus grands péchés interdits par toutes les lois, divines et humaines, tandis que sa commercialisation n'est pas un fait nouveau dans une wilaya qui est devenue une plaque tournante du trafic et de transit de cannabis vu sa mitoyenneté avec la wilaya frontalière, Tlemcen. Ce n'est pas tout. Mais où aller dans une cité où le théâtre de verdure, seule structure qui peut contenir des milliers de badauds, est fermé pendant cette saison des grandes chaleurs et de grande morosité?
Les animations culturelles improvisées par les services locaux du département de Khalida Toumi ne drainent pas tant de foules comme ce fut dans une époque où la ville était réellement radieuse le jour et animée la nuit. Destination est prise: les terrasses des cafétérias dont les consommations sont thé, café turc, chicha et chamia. Les noctambules peinent à choisir entre le salon nommé «Une heure à Beyrouth», celui appelé «Layali de Baghdâd» ou encore les salons ordinaires des rues Khemisti, Larbi Ben M'hidi et Canastel. Les salons à l'orientale sont les mieux prisés étant donné que ces derniers proposent le narguilé, appelé dans le jargon local la ranguila.
La chicha est cette petite machine à vapeur qui a pu avoir ses adeptes dans une ville où la consommation de la drogue est devenue banale. Ainsi donc, les villes orientales ainsi que la ville turque d'Istanbul, qui s'y sont invitées, se sont définitivement installées, arts et barda, dans la ville animée de jour comme de nuit. En effet, depuis l'installation des cafés, salons de thé et restaurants orientaux, la consommation de la chicha (ranguila) et le tabac parfumé est devenue un comportement sublime qu'il ne faut pas occulter. Cette nouvelle mode, ancrée dans la ville animée de jour comme de nuit, est pratiquée par les deux sexes de tous les âges. Il est minuit de la soirée de mercredi à jeudi.
Les serveurs, en sueur, des crémeries du Front de mer sont en alerte maximale, la demande des glaces et rafraichissants est accrue. De l'autre côté de la rue, hommes, femmes et familles entières, qui fuient les atroces chaleurs dégagées par les murs bétonnés des appartements, se bousculent et parfois se disputent les petits espaces du balcon qui domine le port d'Oran. Là, l'air, de la brise de mer, malgré chargé d'une humidité sensible, est frais. Au beau milieu du centre-ville, la course pédestre est des plus acharnées pour prendre place dans les cafés et salons de thé des rues Larbi-Ben Mhidi et Khemisti, en particulier les salons offrant les meilleures commodités tout en se permettant de déguster la succulente chamia tunisienne, aspirer la vapeur produite par la chicha égyptienne, le tout entrecoupé par le café turc sous la mélodie d'Oum Kaltoum, Meyada El Hannaoui, Magda Er Roumi, Farid Al Atrache, Abdelhalim Hafez, Mohamed Abdelouahab et tant d'autres. Ces endroits, devenus de véritables fumoirs, constituent les lieux de prédilection des amoureux de circonstance. Prendre place dans le salon «Layali de Baghdâd» ou encore dans celui appelé «Une heure à Beyrouth» n'est pas une mission simple. Vu la «notoriété» de ces lieux dans toute l'Oranie. Avant que la pratique de la ranguila ne soit adoptée par les Algériens, ce sont les étudiants palestiniens, ressortissants irakiens, syriens, égyptiens, turcs, qui noyaient leur chagrin en se réunissant autour d'une chicha, tout en débattant de la cause palestinienne et ses dernières évolutions. Adultes, jeunes et moins jeunes, garçons, filles, et mêmes des mineurs s'y rendent tout en pressant le pas, aussitôt sortis de la maison. Aux «Layali de Baghdâd» et «Une heure à Beyrouth», la guerre du Golfe, le conflit du Moyen-Orient ou encore le calvaire subi par les habitants de la bande de Ghaza sont oubliés un moment, laissant place aux filles et garçons dans toutes leurs belles toilettes pour se rencontrer après une longue journée d'abstinence, les garçons, eux, ne lésinent pas à exhiber leur look et leurs poches tout en se comportant comme des «vrais gentlemen».
La frime prime et les serveurs malicieux se mettent aux harcèlements. Le café turc ici, est préparé sur de la braise, vante-t-on, laissant les résidus de la poudre surfer sur les surfaces de la tasse. Dans toute cette multitude d'offres, la ranguila assène un coup dur à la santé. Plusieurs études, qui ont été effectuées, ont démontré que la chicha est plus toxique que la cigarette. Aspirer la vapeur de la chicha pendant 60 minutes est égal à 200 cigarettes fumées, soit 10 paquets de 20 grammes chacun. Les dégâts sur la santé sont irréversibles. La fumée du narguilé provoque le cancer des poumons.


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