Le flambeau annonçant le moment de la rupture du jeûne est l'une des vieilles traditions, qui est toujours de mise dans certains milieux ruraux pendant le mois sacré de ramadan. El machaâl, comme on dit, est loin, en effet, de s'éteindre malgré la rude concurrence qu'il connaît des moyens de communication modernes : radio, télévision, presse et, surtout, les hauts-parleurs installés sur les minarets des mosquées. Certes, cette vieille pratique, consistant à annoncer le moment de la rupture du jeûne au moyen d'un flambeau, n'est plus de nos jours ce qu'elle était jadis. Néanmoins, elle continue à survivre dans de nombreuses localités de la wilaya de Mila, comme Tassadane, Chigara, Hammam Sidi Mérouane et autres. Dans l'agglomération de Sidi Mérouane, par exemple, si la majorité de la population locale est désormais réglée sur l'appel du muezzin pour rompre le jeûne, beaucoup de gens continuent à épier encore, avec verve et nostalgie, le flambeau qui s'allume tous les soirs, pendant le mois sacré, sur les hauteurs du village. Cette tradition datant de l'aune de l'indépendance est perpétuée par les descendants du saint homme qui l'a initiée dans la région. En effet, chaque soir, pendant tout le mois sacré, K. Djamel Eddine, la soixantaine bien entamée, vaque, de sa démarche pondérée, à cette tâche que lui a léguée son feu père. Quelques minutes avant l'heure du déjeuner, il pose, à même le sol, un ancien plateau en terre cuite devant la porte de sa modeste demeure, érigée en haut d'une élévation surplombant la région et, avec soin, il dépose sur ce support une brassée de paille séchée, qu'il puise dans sa grange et se mit à attendre l'heure du déjeuner, l'œil fixé sur le cadran de sa montre. Et dès que l'heure attendue par les jeûneurs sonne, il craque une allumette et met le feu au petit tas de paille. Et, aussitôt, une haute langue de feu monte dans l'espace. Et en cinq sec, la nouvelle se répand un peu partout et se répercute dans les quartiers et les ruelles par les enfants qui se mettent à entonner joyeusement quelque chose comme : “Le flambeau s'est allumé. C'est le moment pour le jeûneur de déjeuner. Quant à celui qui n'a pas observé le carême, il doit patienter.” Cet usage, faut-il le souligner, remonte au mois de ramadan de l'année 1964. Il fut initié par un saint homme appelé K'chichou Mohamed, à la demande des habitants de la région de Tadrar, qui n'entendaient pas le chant du muezzin en raison des obstacles naturels qui cernent leur localité. Après la mort du saint homme, en 1984, la pratique est perpétuée par son fils, Djamel Eddine. Kamel Bouabdellah