IL revient au cours de ce mois de Ramadhan avec six courts métrages en tamazight. Chaque jeudi et dimanche au cours du mois de Ramadhan, des courts métrages d'expression amazighe sont diffusés sur la Chaîne 4. Cette série de courts métrages marque le retour sur le petit écran d'un grand comédien et dramaturge Mohamed Hilmi. Quelques jours avant la diffusion de son nouveau produit, ce réalisateur nous a reçus chez lui dans le quartier huppé d'Hydra. Dans son jardin, témoin splendide de l'architecture mauresque, Mohamed Hilmi est revenu sur le travail qu'il a conçu spécialement pour le programme ramadhanesque de la nouvelle chaîne d'expression amazighe. «J'ai commencé par le projet de cette série de courts métrages parce que le directeur général de la télévision me l'avait demandé pour le programme ramadhanesque de la Chaîne 4», explique-t-il. «J'ai travaillé pendant cinq semaines sur ces six courts métrages. Ils sont de vingt-six minutes chacun», précise-t-il lors de la rencontre. «Aucun court métrage n'est lié à l'autre. Cependant, tous abordent des thèmes sociaux. Ces thèmes sont étroitement liés au vécu de la société algérienne. Il y aura bien évidemment de l'humour. Mais on ne rira pas gratuitement. Le rire pour le rire ne m'intéresse pas, j'aime le rire qui détend les gens, mais qui les fait réfléchir. Je donne une grande importance au dialogue dans mon travail», ajoute-t-il. Parmi les sujets qui ont fait l'objet d'un des six courts métrages proposés par Mohamed Hilmi, figure Internet, cet outil de communication révolutionnaire qui a pris une propension alarmante dans la société algérienne. De grands comédiens, mais aussi de très jeunes interprètes, qui font leurs premiers pas dans le domaine, sont réunis dans cette série. «Dans toute mon oeuvre, depuis le début, vous trouverez les trois générations: l'ancienne, la moyenne et la dernière. La nouvelle génération est toujours présente dans mes réalisations», insiste-t-il. Pour Mohamed Hilmi, les nombreuses lacunes dont souffre aujourd'hui cette nouvelle génération sont dues essentiellement à l'encadrement. «Depuis un certain moment, il y a l'émergence d'une pléiade de jeunes comédiens. A Tizi-Ouzou, j'ai eu l'occasion de voir des pièces de théâtre et des courts métrages joués en tamazight. Les comédiens jouaient mal parce qu'ils étaient mal dirigés. Il y a aussi autre chose. On ne peut juger un comédien dès la première vision. Cela est courant chez nous malheureusement. On n'a pas le droit de dire qu'il joue mal. Il faut d'abord savoir s'il est bien dirigé et voir dans son jeu maladroit s'il y a des prédispositions à ce métier», a-t-il fait savoir. Les Ondes de l'histoire, nouveau projet Lors de cette soirée ramadhanesque, Mohamed Hilmi a évoqué également Athir El Tarikh ou Les Ondes de l'histoire, la nouvelle série qu'il compte réaliser prochainement. Celle-ci revient sur la naissance du 4e art en Algérie et les premiers algériens dramaturges qui ont fondé cette institution à l'orée du XIXe siècle. «Ce projet, je l'ai proposé à Habib Chawki Hamraoui (ancien directeur général de la Télévision algérienne) et il l'a enterré pendant deux ans. C'est que je ne faisais pas partie de sa clique ou de sa bande», dit-il, pour expliquer les raisons du report de ce projet qui date de quelques années déjà. A cette série, le doyen du théâtre algérien y tient énormément. C'est qu'il a grandi et évolué avec ces gens auxquels il veut à présent rendre hommage. «J'ai vécu avec ce monde-là. J'ai côtoyé les grands noms du théâtre algérien. C'est ainsi que j'ai pu avoir de nombreuses archives inédites. J'ai des richesses que personne ne possède: toutes les traces de Keltoum et celle de Bachtarzi.», révèle-t-il. Les Ondes de l'histoire se situe à la frontière entre la fiction et le documentaire. L'histoire se passe à la radio, d'où le titre de la série, Les Ondes de l'histoire. «Il y aura dix épisodes, on entamera les préparatifs en novembre prochain.», fait-il noter. «Dans cette série, je reproduis des scènes avec les costumes et les véhicules des années 1930. On va filmer un peu partout en Algérie: dans le théâtre de Constantine, dans celui de Annaba», ajoute-t-il encore. Mohamed Hilmi est catégorique! Rien n'est plus néfaste pour la carrière d'un comédien que la prétention. «J'apprécie beaucoup l'humilité. On apprend à tout âge, à vrai dire. Je n'aime pas les prétentieux. Toute oeuvre artistique est sujette à critique, la nouvelle génération n'aime pas la critique. Personne ne se remet en cause. Et puis, il ne faut pas oublier que le public est noblement égoïste. Il est exigeant et c'est cette exigence qui fait sa noblesse et nous accule à nous remettre constamment en cause, à aller de l'avant.», précise-t-il. «La prétention tue l'artiste», renchérit-il. Ce comédien qui a passé près de soixante ans dans le théâtre fait préciser également qu'il y a un certain problème de financement. «Le théâtre n'est pas comme le cinéma, il ne peut être rentable. Il doit toujours être à la charge de l'Etat, mais il faut un cahier des charges dans lequel le directeur d'un théâtre s'engage à fournir tant de pièces au bout d'une période bien déterminée», précise-t-il. Ce dramaturge déplore le fait que le budget alloué au théâtre qui est tout juste l'équivalent de la masse salariale du personnel du théâtre. «Personnellement, je suis contre ces festivals qui coûtent des milliards et les théâtres qui travaillent avec des miettes...», fait-il remarquer. Le manque d'organisation est l'une des causes de la situation désastreuse du théâtre algérien. «C'est l'anarchie! On ne sait pas qui est qui et qui fait quoi. Qui fait quoi et avec quoi», fait-il préciser. Aussi, il expliquera dans ce sens que «dans la culture, il n'y a pas d'égalitarisme, si on marche avec cette logique, la médiocrité va continuer.» La tragédie nationale dans les années 1990 a, elle aussi, donné un coup fatal au théâtre algérien. «Au cours des années noires du terrorisme, le théâtre a pris un sacré coup. Le terrorisme a ébranlé le moral des gens. Le principe même de la création était menacé». La relève «Il y a une rupture entre les différentes générations qui n'est pas venue de nous.», trancha-t-il lors de cette rencontre. Et de continuer: «Dans l'ancienne génération, il y avait de grands amoureux de la relève qui se préoccupaient de son devenir. Parmi eux on peut citer Mustapha Kateb à la fin des années 1940 ou encore Réda Falaki. C'étaient des autodidactes et ils ont réussi à s'imposer.» Ce qu'il a appris de Keltoum, Habib Réda, Mehieddine Bachtarzi, cet artiste essaie de le transmettre aux autres. «Mustapha Kateb a créé une école d'art dramatique, il avait une équipe de théâtre amateur, il a formé des artistes que vous connaissez, Sid Ali Kouiret. Réda Falaki a formé Farida Saboundji, Mohamed Hilmi. Ces gens avait la soif de la relève», indiqua-t-il.