La présence du président de la République sahraouie, Mohamed Abdelaziz, aux festivités qui ont marqué, l'année dernière, le 40e anniversaire de la Révolution libyenne, avait soulevé un tollé au Maroc. Le clash de l'année dernière entre Rabat et Tripoli ne s'est pas répété, visiblement les responsables du Front Polisario n'ont pas eu droit aux mêmes égards que ceux de 2009. Et si les observateurs avertis de la question du Sahara occidental n'ont pas fait de commentaires à ce propos, c'est qu'il y a de fortes chances qu'aucun signe de la présence d'une délégation officielle sahraouie n'a été décelé. A moins qu'on ne lui ait recommandé la plus grande discrétion. Une hypothèse à écarter: ce n'est en effet pas le genre de la «maison». Voir le Front Polisario céder aux «caprices» de Rabat, relève de l'impossible. Tripoli semble avoir bien ficelé son affaire et les remerciements dithyrambiques du côté du Royaume marocain ont atteint un tel degré que l'on pouvait à peine imaginer il y a seulement une année. Dans un message de félicitations adressé au Guide de la Révolution libyenne, à l'occasion du 41e anniversaire de la Révolution du 1er Septembre, le souverain marocain «a salué le soutien de la Libye à la stabilité et à la solidarité africaines et son rejet des tendances sécessionnistes...», a rapporté dans une dépêche, qui date de mercredi dernier, l'agence de presse officielle marocaine MAP. Il n'est pas nécessaire d'être grand clerc en matière de communication et d'échanges de bons procédés diplomatiques, pour comprendre que Mohammed VI, qui tient à son projet de large autonomie, comme à la prunelle de ses yeux, visait le Front Polisario qui, pour lui, est animé de «tendances sécessionnistes» en revendiquant tout simplement la mise en oeuvre et la tenue d'un référendum d'autodétermination, comme le recommande la résolution 1920 adoptée le 30 avril 2010 par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies. L'héritier du trône alaouite a tari d'éloges sur le Guide de la Djamahirya qui s'est montré compréhensif vis-à-vis de cette question. Mohammed VI a exprimé «sa grande fierté des liens de fraternité sincère et de compréhension cordiale, et souligné sa ferme détermination à oeuvrer ensemble pour la consécration des relations bilatérales distinguées, basées sur la solidarité, la coopération et l'entraide, et leur élargissement à divers domaines au profit des deux peuples frères», a souligné la MAP. L'entente n'a pas été tout le temps aussi cordiale. L'année 2009 a failli être celle de la rupture diplomatique entre Tripoli et Rabat. Que s'était-il passé au juste il y a une année, jour pour jour? La délégation marocaine, qui devait participer aux festivités devant commémorer le 1er Septembre 2009, le 40e anniversaire de la Révolution libyenne, emmenée par son Premier ministre Abbas El Fassi, avait quitté précipitamment la capitale libyenne lorsqu'elle s'est rendu compte de la présence de la délégation sahraouie sur les lieux de la manifestation. «Les représentants du Maroc ont décidé de se retirer des festivités du 1er Septembre à partir du moment où ils ont remarqué la présence du président de la pseudo Rasd parmi les invités», avait expliqué à la presse le ministre de la Communication et porte-parole officiel du gouvernement, Khalid Naciri. L'événement a failli tourner en crise diplomatique: «Le Royaume du Maroc demande aux autorités libyennes les explications nécessaires et appropriées face à ce geste inamical à l'égard des sentiments du peuple marocain», avait exigé dans un communiqué le Premier ministre marocain, Abbas El Fassi. La «réconciliation» allait déboucher à peine un mois plus tard sur un soutien sans détour de Tripoli à la «marocanité» du Sahara occidental. «Notre position est claire et sans ambages. Nous sommes avec l'unité territoriale du Royaume du Maroc», avait affirmé Al Baghdadi Ali-Al Mahmoudi, secrétaire du Comité populaire libyen, au journal Acharq Al Awsat. Une déclaration confortée par le secrétaire du Congrès général du peuple libyen, le 30 mai 2010. «La Libye soutient l'intégrité territoriale du Maroc aussi bien concernant la question du Sahara que pour ce qui est des présides occupés de Sebta et Melilla et des îles Jaâfarines», a confirmé Mohamed Abou Al Kacem Zaoui. Une position qui semble constante, confortée par le message élogieux de Mohammed VI à l'égard de Mouaâmar El Gueddafi à l'occasion du 41e anniversaire de la Révolution libyenne. Les ardeurs du colonel semblent s'être calmées après ses déclarations de ces derniers jours, lors de son voyage en Italie, où il avait émis le voeu de voir l'Islam devenir la religion de l'Europe. Un voeu pieux par rapport à celui de l'indépendance du Sahara occidental.