Le pire a été évité de justesse jeudi dans la ville des Genêts lors de la rencontre animée par Ahmed Djeddaï au stade Oukil-Ramdane. Pourtant, rien ne laissait présager la tournure dramatique des événements quelques heures avant l'arrivée du numéro deux du FFS. Le vieux stade de Tizi Ouzou était pris d'assaut à partir de midi, par les militants et autres sympathisants du parti d'Aït Ahmed. A 13h00, la tribune couverte affichait complet et le terrain grouillait de monde. L'atmosphère était plutôt détendue. Il était 13h30, lorsqu'un groupe de jeunes d'un quartier voisin au stade forçait la porte latérale du stade. Visiblement, montés par qui on sait, ces jeunes affichaient la couleur en scandant «Ulac l'vote ulac, l'ârouch danger...». «Illa l'vote yella, Abrika DRS», répliquaient les militants FFS. Au départ, les deux camps se limitaient à une guerre verbale. Soudain, la tension monte. Des accrochages sont signalés à l'extérieur du stade. Des pierres sont même lancées sur le toit de la tribune couverte. Voyant l'ascendant pris par les militants FFS, les jeunes surexcités changèrent de méthode. La scène était bombardée de toutes sortes de projectiles et d'armes blanches, (deux personnes seront touchées à la tête et évacuées à l'hôpital). Impassibles jusque-là, aux provocations, les militants du FFS décidèrent alors d'employer la manière forte pour en finir avec ces perturbateurs. Une bataille rangée éclate alors entre les deux camps et le terrain du stade Oukil-Ramdane se transforme alors en arène. Beaucoup plus nombreux, les militants du FFS parviennent à chasser les «intrus». Le calme revenu et la situation maîtrisée, la foule est enfin, rassurée. 15h15, Ahmed Djeddaï faisait son apparition sous un tonnerre d'applaudissements. Décidément, déterminée à faire avorter le meeting, la foule hostile revint à la charge une seconde fois. A coup de pierres et d'insanités, ils voulaient, coûte que coûte, empêcher la prise de parole du 1er secrétaire national du parti de Aït Ahmed. Cette fois, la police donna enfin signe de vie en acculant les «bras armés» des ârchs dans leurs derniers retranchements. Dès lors, ce triste chapitre était clos et le meeting pouvait commencer sous de meilleurs auspices. «Votre présence aujourd'hui montre que le FFS est toujours debout», lancera d'emblée Djeddaï à l'adresse d'une assistance estimée à 5000 personnes. «Aujourd'hui, nous avons cassé le mur de la peur en tenant notre meeting à Tizi Ouzou», enchaînera-t-il. «Assa Azzeka, le FFS yella yella», répondait la foule. Très en verve, Djeddaï annonce que «la Kabylie se trouve actuellement dans l'engrenage d' une machination diabolique orchestrée par le pouvoir et ses relais locaux». Cette machination, selon lui, est destinée à «perpétuer le chaos et à faire couler le sang à flots». Dans ce même sens, il énuméra tous les complots qui ont visé la région dans le passé. Ainsi, l'assassinat de Matoub en 1998, le saccage des locaux du parti, les agressions contre les candidats, le racket des commerçants et le faux enlèvement de deux jeunes à Béni Douala seront passés au crible. «Cette politique de la terre brûlée n'a qu'un seul objectif, celui de casser la Kabylie et le FFS avec», affirmera l'orateur. Caustique plus que jamais, Djeddaï fera le procès de certains titres de la presse nationale, lesquels, abstraction faite de toute éthique, versent «dans la surmédiatisation et la glorification de la violence». Tout en admettant «les pressions exercées sur les journalistes», il qualifie ces journaux de «pyromanes qui encouragent la stratégie du chaos». Il exhibe même un exemplaire du Soir d'Algérie, lequel, contrairement à l'épisode de Liberté à Aïn El-Hammam, ne sera pas déchiré. Dans un autre volet, Djeddaï révèlera que la stèle de Belaïd Aït Madri érigée à Aït Yahia avait été détruite, mais rassure: «Ce n'est pas de cette façon qu'on pourrait casser un parti qui puise sa force dans ses racines populaires» avant de renchérir que «ni la puissance des généraux ni les menaces islamistes n'ont fait plier le FFS. Ce ne sont pas les manoeuvres malsaines de groupuscules connus et identifiés qui le feraient». Fidèle à sa logique, l'homme de confiance d'Aït Ahmed descendra en flammes le RCD qu'il ne cite pas «Qui habite Club des Pins? Qui circule avec arme et escorte? Qui fait dans l'opposition des salons?», s'est-il interrogé. La foule répondait en choeur «Sadi». Narquois, Djeddaï dira que «le FFS est une école politique et comme toute école, certains mauvais élèves apprennent mal les leçons». Cela dit, il niera catégoriquement le présomptueux «deal» passé entre Bouteflika et Aït Ahmed à propos de la participation aux locales. «Croyez-vous qu'un homme comme Aït Ahmed puisse faire allégeance au pouvoir?». A l'adresse des ârchs, Djeddaï s'est montré virulent «Je leur lance un défi s'ils arrivent à nous convaincre que le boycott est la meilleure solution, nous allons nous retirer des élections. Mais ils ne parviendront pas. Leur seul argument, c'est la violence.» Débordant d'enthousiasme, le numéro deux du plus vieux parti de l'opposition annonce qu'en «plus du raz de marée prévisible en Kabylie, Alger sera bleue le 11 octobre prochain en faisant allusion à la couleur de son parti. Aujourd'hui, nous sommes arrivés à sortir le FFS de son ghetto kabyle. Nous aurons des élus à Jijel, Batna et Médéa et sur tout le territoire national», s'est-il également félicité. En revanche, il pense que «les élections ne règleront pas la crise. Car l'issue de cette crise nécessite une solution politique globale contenue dans le mémorandum envoyé à Bouteflika et aux généraux décideurs». Avant de conclure et tout en mettant en garde le pouvoir contre la fraude et les «pyromanes» contre les affrontements, Djeddaï a promis aux électeurs l'enlèvement de la couverture politique à tout président d'APC, objet de dénonciation de la part de la population. A signaler qu'à la fin du meeting et grâce à l'impressionnant dispositif déployé autour du stade, aucun incident n'est à déplorer.