La première journée de la campagne électorale des législatives a été, pour le moins, mouvementée en Kabylie. Tizi Ouzou s'est réveillée, ce jeudi, avec la fièvre des mauvais jours. La campagne électorale des législatives commence bien mal. Décidée depuis le 3 mai, la marche du mouvement citoyen a été réprimée. Devant se rendre à la maison d'arrêt de la ville pour exiger la libération des détenus du mouvement, les marcheurs ont trouvé devant eux des services de police (URS) décidés à leur en interdire l'accès. Tizi Ouzou avait baissé rideau à l'appel de la Cadc. Un peu comme les villes et villages de l'intérieur de la wilaya, la ville du col des Genêts entend protester contre la tenue des élections, un scrutin que tout le monde ou presque, en Kabylie, dit «rejeter». Des escarmouches ont même été signalées ici et là. On a même parlé d'interpellations. Les pierres et les grenades lacrymogène se sont également échangées. Les accès menant à la ville ont été le théâtre d'échauffourées entre les URS et les marcheurs. Le stade Oukil Ramdane qui devait recevoir le groupe des quatre (MM.Abdenour Ali Yahia, Benyellès, Ahmed Taleb et Ahmed Djeddaï, le représentant de Hocine Aït Ahmed) pour un meeting a été occupé par le CNS. Triste spectacle du refus de l'autre. C'est finalement la fédération FFS de Tizi Ouzou qui a accueilli le groupe des quatre. Aux personnes qui ont fait le déplacement, et ce malgré la tension qui régnait en ville, les quatre ont, dans une courte adresse, rappelé le sens de leur action et expliqué pourquoi ils militent contre le scrutin du 30 mai. Le premier intervenant, le secrétaire fédéral du FFS, M.Abib Nacer, devait, après les souhaits de bienvenue aux membres du groupe, dire: «L'on nous a interdit le stade Oukil pour faire le meeting. Eh bien, nous n'allons pas désarmer, nous reviendrons et durant cette campagne.». Quant au Dr Taleb El Ibrahimi, après une pensée au présent-absent, M. Hocine Aït Ahmed, il affirmera: «Nous sommes ici pour lancer un appel au refus de ces élections, un refus pacifique. Et aussi pour marquer notre solidarité avec la Kabylie!». Et de poursuivre: «Les ingrédients, qui ont soulevé la Kabylie, existent ailleurs! La Kabylie joue le rôle de locomotive de la révolte populaire!» Pour ce qui est du refus de l'expression signifié par l'administration, le Dr Taleb s'exclame: «L'histoire nous enseigne qu'il est plus utile de travailler avec un adversaire loyal qu'avec des serviteurs (serviles)». Et à propos du scrutin du 30 mai, l'orateur note: «Elles ne servent à rien, car elles occultent les vrais problèmes». En taxant les législatives de «fuite en avant», il écorche, sans le citer nommément, M.Ouyahia: «Quand on est incapable de gérer une prison, que l'on ait au moins la décence de se taire!» Lui succédant, M.Rachid Benyellès apporte, au nom du groupe, le soutien et la solidarité à la région, en précisant: «Nous n'irons pas à cette mascarade électorale, nous les laisserons seuls!» Pour l'ancien général, «ces élections sont d'avance truquées et, surtout, elles ne se dérouleront pas dans une région du pays.» M.Ali Yahia abonde dans le même sens et à son habitude jouera avec les mots: «Le président décide, le gouvernement exécute et l'Assemblée soutient!» Après avoir passé à la moulinette le régime, il s'écrie: «L'on nous parle à chaque fois de la main de l'étranger; sommes-nous donc incapables de réfléchir par nous-mêmes?». Concluant cette rencontre avec les citoyens, le Dr Djeddaï revient sur l'interdiction du meeting et l'analyse comme «la peur du régime devant la vérité et la population». Le représentant de M. Aït Ahmed achève sa harangue en affirmant: «Le mouvement citoyen n'est plus seulement dans la rue, il a gagné même les prisons!» Et de condamner «la répression qui a frappé la marche de la matinée du mouvement citoyen. Ils (le pouvoir Ndlr) nous poussent à prendre les armes; une façon pour eux de gagner encore une décennie. Nous dirons non! Nous sommes des pacifiques!». Les quatre ont ensuite animé un point de presse au siège de la fédération FFS. Privilège des aînés, c'est M.Ali Yahia qui commence avec une déclaration liminaire: «Le vote n'est pas une sortie de crise! Le peuple est dans une situation intenable!» Comme il assure que «la fraude est une constante du pouvoir. Les échéances se suivent et se ressemblent!» Et d' ajouter: «Le hold-up électoral est une forme de gangstérisme politique. Les élections avec fraude ne peuvent que rabaisser l'Etat!» Le président de la Laddh trouve que «le suffrage universel sans démocratie ne signifie rien!» Les quatre ont mis l'accent sur la nécessité «d'instaurer une seconde république» et ont mis en avant la négociation comme seule sortie de crise possible. La question des partis ou pôles représentatifs est évoquée: «C'est au peuple de décider!» Mais d'ores et déjà, les participationnistes semblent être écartés d'une éventuelle négociation. A propos de la constitution d'un front antivote, les quatre affirment que ceux qui lancent l'appel au boycott n'ont pas tous la même approche. Pour eux, l'objectif est le changement de régime! Et de revenir sur le fait que «seules les voix du pouvoir et de ses alliés se font entendre!» C'est ainsi que l'on a appris que la sortie sur Oran, programmée pour jeudi prochain, n'a pas été autorisée. Le Dr Djeddaï assure que «le FFS a vu près de 40 rencontres, meetings et conférence, prévus ne pas être autorisés!» A une question à propos du rôle de l'armée sur la scène politique, le général Benyellès affirme que «l'ANP en tant qu'institution n'est pas la cible». Il met en cause ce que M.Ali Yahia appelle «la boîte noire du système». Et de conclure: «Notre appel s'adresse à toutes les Algériennes et à tous les Algériens; nous sommes pour le changement de régime», avant de souligner: «Nous ne sommes pas l'opposition du pouvoir, mais l'opposition au pouvoir!»