Le président français montre publiquement qu'il ne compte pas rester personnellement en retrait par rapport à l'affaire des moines de Tibhirine. Qu'est-ce qui pousse Nicolas Sarkozy à se faire projeter Des hommes et des dieux? S'agit-il seulement de se refaire une bonne image auprès de l'électorat catholique après la politique jugée discriminante à l'égard des Roms ou bien l'affaire a-t-elle des retombées sur sa politique vis-à-vis de l'Algérie? Le contexte des relations entre les deux pays permet de pencher pour cette deuxième hypothèse. Le film revient sur l'assassinat des sept moines de Tibhirine. Drame qui n'a pas encore livré tous ses secrets au vu des révélations successives parvenant des Français ayant quelques liens avec le déroulement des événements. Le fait n'est pas nouveau. Son prédécesseur, Jacques Chirac, a pris une décision capitale sur le sort des combattants musulmans dans l'armée française en visionnant un film de Bouchareb. Indigènes avec Djamel Debbouze. La culture a donc toutes les chances d'acquérir un statut particulier dans la diplomatie française lorsqu'il s'agit de prendre des décisions concernant la mémoire, voire les sujets d'actualité comme c'est le cas pour Tibhirine puisque le dossier est toujours chez le juge d'instruction. Que Sarkozy rende public un acte qui devrait rester dans la sphère privée n'est pas dénué de calculs politiques liés à une autre affaire dont les fils ne sont pas encore dénoués. C'est celle de la prise d'otages français dans le Sahel à propos desquels une vidéo a été diffusée. Tibhirine et le Sahel ont en commun le fait que des Français se sont retrouvés dans des situations de danger de mort. Autre point commun: des terroristes algériens sont derrière les deux affaires. Le tout est d'utiliser les médias (cinéma, télévision, journaux, Internet) pour modeler les opinions dans le sens qui serve les intérêts de chaque partie en conflit. Les GIA et Aqmi semblent avoir privilégié Internet, plus apte à donner une aura internationale à leurs actions. La France n'a pas tardé à répliquer par d'autres moyens de communication mais aussi par le Net. Mais la manoeuvre ne va certainement pas s'arrêter au seuil d'un salle obscure. Sarkozy montre publiquement qu'il ne compte pas rester personnellement en retrait par rapport à l'affaire des moines de Tibhirine. Même si on aurait pu penser que c'était un dossier clos avec les revendications des GIA. La levée du secret-défense sur le dossier va dans le sens de raviver une affaire pour l'utiliser à des fins diplomatiques. En recevant à Paris les diplomates accrédités à l'étranger, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a averti que l'action culturelle de son pays était un segment de sa diplomatie et qu'elle allait être utilisée à cette fin. Voilà ce qui est fait avec cette affaire du film sur les moines de Tibhirine. Hors-la-loi doit aussi être inscrit dans le cours du long fleuve non tranquille des relations entre l'Algérie et la France. Lors de sa projection à Cannes, le film a suscité une opposition de la droite et des anciens pieds noirs d'Algérie. Hormis le cinéma, on constate que la télévision française a saupoudré ses programmes de toutes sortes de travaux artistiques sur l'Algérie en privilégiant l'axe historique. Ce n'est pas sans répercussion sur le climat tendu entre les deux pays à propos de la repentance. Dernier épisode en date du côté sud de la Méditerranée: le refus de Ziari de programmer la loi sur la criminalisation du colonialisme. Autres détails: l'ancien ambassadeur en Algérie, Bernard Bajolet, aujourd'hui coordinateur du renseignement à l'Elysée et Franck Louvrier, conseiller en communication de l'Elysée, ont assisté à cette séance religieuse mais peu catholique.