Atteindre l'autosuffisance alimentaire. Sur la question, les responsables divergent! Entre le ministre de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, qui fait de la sécurité alimentaire une question de souveraineté nationale, et le directeur général de l'Institut national de recherche agronomique (Inra), Fouad Chahat, pour qui l'objectif d'atteindre une autosuffisance alimentaire dans notre pays serait une utopie, il y a de quoi avoir peur. Surtout que les responsables en charge de nourrir les Algériens passent le temps à se contredire pour ne pas dire «se bouffer» entre eux. «Il n'y aura pas d'autosuffisance alimentaire. C'est un mythe!», a affirmé M.Chahat lors de son passage, hier, sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale. «Elle n'existe même pas dans les grands pays agricoles. Le Brésil n'est pas autosuffisant. Les Etats-Unis et l'Union européenne ne le sont pas non plus», ajoute-t-il. La modernisation de l'agriculture, une politique efficace d'investissement dans le secteur et un mécanisme de surveillance sont autant de mesures qui visent à améliorer la capacité de rendement agricole en Algérie, assure l'intervenant. Tous ces efforts qui peuvent être consentis aboutiront, certes, à «une meilleure production et en plus grandes quantités». Toutefois, cette batterie de dispositions ne pourra garantir à l'Algérie une autosuffisance alimentaire. M.Chahat cite l'exemple du sucre. «On ne sera jamais autosuffisant en sucre. Un million et demi de tonnes qu'il nous faudra dans 20 ans, où les produire et à partir de quel produit», fait-il remarquer. «La betterave pousse mal dans le pays et nous ne pouvons pas cultiver la canne à sucre car nous n'avons pas suffisamment d'eau. L'eau sera préservée pour les cultures de blé et de pomme de terre», poursuit-t-il. Au lieu de se fixer ce genre d'objectif qui serait, selon le directeur général de l'Inra, quelque peu utopique, il faut plutôt essayer «d'avoir une meilleure balance commerciale agricole» «c'est-à-dire continuer à acheter ce qu'on ne peut pas produire chez nous, mais vendre à l'extérieur quelque chose. De telle manière que les devises avec lesquelles on achète les produits exportés nous permettent de nous procurer les produits qu'on ne peut pas fabriquer chez nous», explique-t-il. Dans une récente intervention radiophonique à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation, le premier responsable du département de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, avait indiqué que l'Algérie était «capable d'exporter des céréales, des tomates et bien d'autres produits agricoles...». La réalité du terrain ne cesse de remettre en cause ses déclarations. Depuis quelque temps, des agriculteurs à Tipasa avaient découvert, stupéfaits, la présence de la noctuelle, un insecte «ravageur de légumes» dans leurs champs. La noctuelle «qui s'installe sur et dans le sol peut ravager en un laps de temps très court la récolte», apprend-on. C'est dire le danger qui guette la stabilité alimentaire du pays. A Biskra, c'est le parasite Tuta Absoluta, la mineuse de tomates qui effraie les agriculteurs. La station régionale de protection des végétaux de la ville a mobilisé près de 40 000 pièges biologiques pour protéger la récolte de tomate de la wilaya contre ce parasite. Tous ces phénomènes viennent confirmer que l'Algérie est loin d'être à l'abri d'une crise alimentaire. «La crise alimentaire est là», confirme M.Chahat. «Elle est peut être moins forte que celle de 2007 et 2008, mais elle est là et elle nous rappelle que le problème sera permanent.», prévient-il. Le manque d'organisation est indiscutablement le talon d'Achille du développement dans le secteur de l'agriculture. «L'organisation des filières est indispensable», a précisé Fouad Chahat. A ce titre, il faut rappeler que l'une des filières les «mieux» désorganisées dans le département de Rachid Benaïssa est celle du lait. Qu'il s'agisse d'une pénurie ou d'un simple dysfonctionnement, le résultat est le même et seul le citoyen lambda en fait les frais.