Il est réapparu pour donner un nouveau nom au truquage des élections. Cheikh Mahfoud Nahnah, président du Mouvement pour la paix (MSP), a affiché, hier, son large sourire face aux journalistes curieux d'en savoir plus sur sa longue absence. Installé à gauche de Menasra, il a pris la parole pour s'extérioriser et mettre un terme aux rumeurs qui le disaient malade. Son apparition, il l'a faite avec fracas. Il a élevé la voix pour dénoncer un pouvoir qui lui aurait confisqué ses voix. Il dit avec une note caustique que «les voix se déplacent comme les dunes de sable». Au lieu d'instaurer «l'alternance (tadaoul)» au pouvoir, ils ont instauré le «détournement (tadouir)» des voix, lance-t-il. «Ils ont installé ‘‘des chambres noires'' où ils ont joué au magicien. Tantôt apparaît un lapin, tantôt un mouchoir. Ainsi sortent les voix de la chambre noire». Mais - devenu subitement sérieux - Nahnah reconnaît qu'on est dans un pays du tiers-monde où le minimum légal toléré en matière d'élections crédibles n'est pas encore atteint. Il tisse un lien direct entre la situation interne du pays et les aléas du 11 septembre. Selon Nahnah, il n'y a aucun doute, les résultats des élections se justifient par les cessions immobilières en cours, l'apparition du «féodalisme» nouveau, la privatisation de Sonatrach, l'insécurité, etc. Mieux, ces élections sont le prélude à la présidentielle dont la campagne a déjà commencé. Il révèle que les amendements de la Constitution et des autres lois importantes ont un lien étroit avec «les chambres noires». Sur un autre chapitre, Nahnah estime qu'un autre tabou vient d'être brisé. Il s'agit de la francophonie. «L'Algérie, qui est restée dans la cercle de la misère, de la pauvreté, du sous-développement, de l'embargo, veut participer au Sommet de la francophonie. Sa présence à Beyrouth est une caution.» Il cède la place à Menasra avant de faire un clin d'oeil aux journalistes présents, comme pour vouloir leur dire: «Vous voyez, je me porte à merveille, alors commères?». Menasra essaie, à son tour, d'enfoncer le clou. Il fait une arithmétique qui dit en substance que là où le MSP n'a pas de contrôleurs, les résultats sont douteux, et cela voudrait dire que 40% des suffrages exprimés ne sont pas reconnus par le MSP. Ce que Nahnah n'a pas pu dire, Menasra le dit sans se mettre de gants: «Les élections ont été truquées». Mais au profit de qui? Au profit des partis du régime parce que ceux qui n'ont pas voté sont contre le régime. Sollicité de mieux les situer, il dit : «Il y a alternance du pouvoir pour deux partis». Mais lesquels? «Ceux qui sont sortis du ventre du pouvoir», lâche-t-il enfin. Le MSP a tiré les conséquences du dernier scrutin et annonce 10 propositions. Il demande au pouvoir de punir ceux qui truquent les élections, de lever l'état d'urgence, de libérer tous les détenus politiques, y compris Abassi Madani et Ali Benhadj, d'ouvrir les médias publics à la classe politique, de créer une commission qui se chargera de définir les listes électorales, d'amender la loi électorale, d'éponger les dettes des communes, de distribuer équitablement les richesses aux communes, d'amender les codes de commune et de wilaya et de réviser le découpage administratif du territoire. Menasra dément la thèse de recul de l'islamisme. Il évalue à 2 millions les voix des islamistes et note 600.000 voix supplémentaires par rapport aux législatives de mai dernier. Répondant à une question relative à l'arrestation de Abrika, il considère que ce dernier est un prisonnier politique et ne peut être arrêté que s'il a commis un délit. Menasra, le porte-parole du MSP, considère que la situation en Kabylie est le résultat d'un désaccord entre deux clans au sein du pouvoir. «L'un neutralise l'autre», dit-il.