En dépit de l'interdiction du ministère de l'Intérieur, le parti islamiste est décidé à battre le pavé. C'est un Mahfoud Nahnah très amaigri qui est apparu hier devant les journalistes afin de les informer de son initiative pour la paix en faveur de l'Irak. “Il est venu directement de l'aéroport jusqu'ici”, a tenu à préciser Ahmed Dane, chargé du département politique. Au siège du Mouvement de la société pour la paix (MSP), hier, une foule considérable de militants était venue s'assurer de visu de la bonne santé du cheikh. Parti pour des soins en France, Nahnah n'avait pas donné signe de vie depuis deux mois. Ce qui a donné libre cours à diverses spéculations sur son état de santé. En se présentant ainsi face à la presse, à l'occasion d'une conférence, le président du MSP voulait assurément démentir les rumeurs et montrer qu'il est encore seul maître à bord. Entouré des cadres du parti, dont son rival Abdelmadjid Menasra, Nahnah a profité du sujet du jour, la guerre contre l'Irak pour dérouiller sa voix et se lancer dans une longue diatribe contre les régimes arabes, accusés de silence et parfois de complicité avec les Américains. Mais tout d'abord et contre toute attente, il a rejeté l'appel au djihad lancé par le mufti d'Al Azhar. S'agissant des chefs d'Etat arabes, la critique est plus acerbe : “Ils passent leur temps dans les avions à aller d'un sommet économique à un autre, de sauter d'un voyage officiel à un autre, mais aucun n'a pris l'initiative de se rendre à Bagdad, soutenir le peuple irakien”, s'est écrié le chef du parti islamiste. Citant nommément Bouteflika, il lui reproche de n'avoir à aucun moment évoqué le drame irakien. “Il est pourtant rompu à l'exercice diplomatique”, a-t-il précisé sarcastique. Nahnah s'est dit outré que des marches de solidarité soient organisées en Occident, en France et pas en Algérie en raison de leur interdiction par l'administration. “Là-bas, il y a cinq policiers pour 500 manifestants. Nous en avons 5 000 pour 500 marcheurs”, s'est indigné le cheikh. Pour autant, le MSP ne semble pas découragé. Son porte-parole Abdelmadjid Menasra a affirmé qu'en dépit de la mise en garde du ministère de l'Intérieur, la marche prévue aujourd'hui à midi de la place du 1er-Mai au siège de l'Assemblée populaire nationale aura bien lieu. “Nous avons introduit une demande d'autorisation, mais nous n'avons reçu aucune réponse. Nous sommes toujours en contact avec les services du département de l'Intérieur et nous espérons que la manifestation se déroulera dans un cadre pacifique”, a indiqué l'ex- ministre de l'Industrie. Celui-ci apprendra par ailleurs que certaines formations politiques dont le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune se joindra à la marche. “Les autres partis que nous avons sollicités n'ont pas répondu à notre appel”, dira Menasra. Il est à rappeler que le parti de Nahnah a déjà organisé tout récemment une marche du même type, réprimée par la police. Le MSP a déposé plainte. S. L.