La Guinée était partagée entre une grande joie et une grande inquiétude après l'annonce officielle de la victoire de Condé à la présidentielle (52,5%), qui s'est accompagnée de violences dans les fiefs de Diallo (47,5%). La Commission électorale avait annoncé lundi soir les résultats provisoires complets du second tour de la présidentielle du 7 novembre, donnant la victoire à l'opposant historique Alpha Condé, 72 ans, après 52 ans de régimes dictatoriaux ou autoritaires. Mardi, jour de l'Aïd el Adha, M.Condé a effectué une «tournée de remerciement» dans trois communes de Conakry où il était arrivé en tête. Debout dans une voiture, il saluait les populations qui faisaient hurler les klaxons ou chantaient dans les rues. Au même moment, dans différents fiefs du candidat malheureux Cellou Dalein Diallo, l'atmosphère était très pesante, suite à des violences. Les autorités n'ont fourni aucun bilan officiel de ces troubles qui, selon différentes sources, ont fait au moins 4 morts. «Ce matin, à Conakry, dans le quartier de Simbaya (commune de Ratoma, fief de Diallo à Conakry), un homme a été tué par un soldat. Il y a eu une dispute entre eux, l'homme a voulu s'échapper, et le soldat lui a tiré dans la nuque», a assuré une source policière. Dans cette même commune de Conakry, des affrontements avaient opposé lundi de jeunes partisans de M.Diallo aux forces de l'ordre, faisant selon la police au moins un mort et une trentaine de blessés parmi les manifestants. A Pita, ville de Moyenne-Guinée, des partisans de M.Diallo, manifestaient et pillaient deux villas quand un voisin, partisan du camp opposé, a tiré, «tuant l'un d'eux», a affirmé un membre de la Croix-Rouge. Selon des témoins, «un jeune homme a également été tué par balles par des militaires» à Dalaba (Moyenne-Guinée). Les véhicules étaient rares à circuler à Ratoma où l'on voyait passer des pick-up chargés de gendarmes et policiers casqués, tandis que des tirs résonnaient au loin. «Les gens ne sont pas sortis pour aller prier. Il y a une psychose qui règne dans ce quartier», relatait un jeune témoin. D'autres témoins évoquaient des «bagarres entre Malinkés et Peuls» et accusaient les forces de l'ordre de «tirer sur les gens», «les insulter», les «bastonner». Cellou Dalein Diallo avait lancé dans la nuit de lundi à mardi «un appel pressant» à ses électeurs pour qu'ils «évitent les violences de toute nature», en attendant que ses «réclamations» pour «fraudes» soient examinées par la Cour suprême. Mais mardi, il a accusé les forces de l'ordre de «brutalité sauvage» à l'encontre de ses partisans et des membres de son ethnie peule, à Ratoma et différentes villes de Moyenne-Guinée (centre). Il faut «demander aux forces de l'ordre d'arrêter d'assassiner nos gens, de les extraire de leurs maisons, de les emprisonner», a-t-il dit, avant de rencontrer à ce sujet le président de la transition, le général Sékouba Konaté. De son côté, le parti du candidat Alpha Condé a assuré que dans «toutes les zones qui sont favorables à M.Diallo, on attaquait ceux qui sont de l'alliance pro-Condé». Lundi soir, dans sa première déclaration, Alpha Condé avait appelé à la concorde et à la fraternité, en promettant qu'il serait «le président de la réconciliation nationale et du progrès pour tous». Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest, Saïd Djinnit, avait estimé mardi matin que le pays était «généralement calme, en dépit d'incidents signalés lundi soir». La France a appelé les Guinéens à «continuer à faire preuve de calme et de responsabilité».