Une escalade prévisible, résultat d'une campagne électorale, comme il s'en déroule en Afrique lorsque le candidat officiel se trouve en face un vrai opposant. La Guinée était partagée entre joie et inquiétude après l'annonce de la victoire de l'opposant Alpha Condé, 72 ans, à la présidentielle. L'annonce de son élection, après 52 ans de régimes dictatoriaux ou autoritaires, s'est, en effet, accompagnée de violences meurtrières dans les fiefs du perdant, Cellou Dalein Diallo. Opposant historique, Alpha Condé passe donc au statut de premier président démocratiquement élu de la Guinée. De la prison jadis, il passe au palais présidentiel. Alpha Condé a raflé la mise avec 52,52% des voix devant Cellou Dalein Diallo qui recueille 47,48% des suffrages. L'opposant a pris sa revanche sur l'establishment qui a plongé le pays dans une crise si profonde qu'il s'en est fallu de peu pour que s'installa la guerre civile. La victoire de Condé a été saluée par des populations en liesse qui, à la proclamation des résultats, se sont dirigées vers le “Palais du peuple” à Conakry, siège de l'administration, pour fêter la fin du suspense et sous une pluie battante. Jeunes, femmes, vieux et enfants ont chanté et dansé la victoire de celui qui fut plus de 40 ans durant l'opposant constant. La liesse populaire a débordé la capitale et le fief de Condé. La fête s'est poursuive à travers tout le pays. Bien sûr, dans la Haute-Guinée, la région du président élu mais également dans la Basse-Guinée et la Guinée-Forestière, réputées acquises au malheureux rival Diallo. Les forces de défense et de sécurité patrouillent dans la capitale Conakry et dans la Guinée profonde pour éviter tout débordement. La CENI, la commission électorale, a donc mené à terme sa mission, balayant un suspense qui n'en finissait plus de finir, et il ne reste plus qu'à espérer que le nouveau président fasse ce qui est attendu de lui : sortir le pays de la crise. Ce qui n'est pas une tâche de tout repos, voire qui n'est guère évident pour l'instant, relèvent des observateurs, vu que les perdants doivent accepter leur défaite. Bien avant que le verdict soit rendu, des contestations avaient pointé au point où l'ONU, l''UA et l'UE ont appelé au respect des urnes. La Guinée, comme le reste de l'Afrique, est minée de contradictions, de tensions et de divergences. Certaines alimentées par le microcosme politique national, d'autres par des intérêts étrangers. Le pays le plus pauvre du continent repose sur des richesses, notamment des métaux rares indispensables aux nouvelles économies. Il est l'objet de concurrences souvent violentes entre la France, les Etats-Unis et les nouveaux prédateurs que sont les grands pays émergents, la Chine à leur tête. Le vainqueur doit très vite se débarrasser des habits du candidat et endosser ceux du président des Guinéens, et de tous les Guinéens, pour mettre de l'ordre, en priorité : effacer le spectre de la division ethnique. À la proclamation des résultats, il y a eu tout de même des échaffourées entre jeunes partisans de Diallo et les forces de l'ordre qui ont fait au moins un mort et des dizaines de blessés. Une escalade prévisible, résultat d'une campagne électorale, comme il s'en déroule en Afrique lorsque le candidat officiel se trouve en face un vrai opposant. D'ailleurs, la question n'est pas encore définitivement tranchée. Les Guinéens s'interrogent toujours sur ce que leur réservent les prochains jours qui seront certainement marqués pas des manifestations de soutien et de contestation, selon qu'on soit du camp Condé ou Diallo ? Pourvu que la violence ne soit pas un recours de choix mais que les voies juridiques soient privilégiées pour la paix sociale en Guinée, prient les Guinéens. La Guinée, il ne fait pas l'oublier, a été meurtrie par un demi-siècle de cruauté et de terreur. Pour finir, un grand bravo pour le général Sékouba Konaté qui a réussi sa mission de mener son terme le processus électoral. Il va rendre son tablier, lui qui confiait : “Le pouvoir je m'en fous… Je veux partir vite et aller me reposer” ! À la différence de nombre de ses pairs du continent, le général n'a pas rêvé des ors du palais présidentiel. À la mort de Lansana Conté, il a pris la tête du putsch pour préparer le transfert du pouvoir à des civils. Il doit néanmoins veiller à ce que la contestation de la victoire de Condé ne se transforme pas en guerre fratricide.