Un excès de mansuétude a émoussé l'autorité de l'Etat qui a pourtant le devoir et le droit d'assurer l'ordre public. La culture de l'émeute sort des ghettos pour atteindre les portes de la capitale. Le phénomène paraît promis à un bel avenir puisqu'il s'exporte très bien même à La Mecque. Qui aurait dit que dans les Lieux Saints de l'Islam des pèlerins algériens, déçus par des manquements dans les conditions d'accueil, comme l'hébergement, la restauration ou le transport, passent à l'acte et bloquent une route? L'excès de mansuétude tue l'autorité de l'Etat qui a pourtant le devoir et le droit d'assurer l'ordre public. De quel droit un citoyen va-t-il empêcher un autre de se rendre chez lui, à son lieu de travail ou de circuler librement sur une route nationale? Pis encore, il s'agit d'une route à très grande circulation et qui mène vers la capitale algérienne! Jusqu'à quand? Lundi dernier, soit à la veille de la fête de l'Aïd, les habitants de Boudouaou, dans la wilaya de Boumerdès, ont coupé la principale et seule route qui dessert la capitale de l'est du pays. Les automobilistes qui fréquentent cette route ont été otages des files interminables et des embouteillages. Les usagers qui s'apprêtaient à rejoindre la capitale ou d'autres wilayas pour fêter en famille l'Aïd, ont vécu un gâchis ce jour-là, puisqu'ils étaient dans l'obligation d'attendre au moins 7 heures pour voir fluidifier la circulation. L'intervention des forces de l'ordre a permis de débloquer la route. Les manifestants sont revenus à la charge deux jours après. Jeudi dernier, ils ont de nouveau eu recours aux manifestations pour faire entendre leur voix. Des citoyens de Tidjelabine, toujours dans la wilaya de Boumerdès, ont fermé la RN 12 qui mène à Alger, provoquant d'importants embouteillages dans les deux sens de la circulation, laquelle circulation a été bloquée entre 11 heures et 17 heures. Les manifestants entendaient protester contre l'insécurité après l'assassinat, mercredi dernier, vers 18 heures, d'un jeune propriétaire d'un taxiphone de Tidjelabine dans son magasin par deux malfaiteurs. Selon des témoignages de citoyens, «les gendarmes, alertés après la découverte du corps du jeune commerçant égorgé, auraient refusé de se déplacer». Cette pratique n'est pas nouvelle en Algérie. Des centaines de manifestations ont eu lieu ces dernières années au point qu'on ne peut toutes les énumérer dans un article de presse. Les événements de la semaine dernière à Boudouaou diffèrent des précédents. Le problème est beaucoup plus grave lorsque la capitale se trouve menacée de fermer ses portes. D'autres manifestations similaires dans la banlieue d'Alger risquent de paralyser la capitale, si l'on bloque tous les axes pour y accéder et ce, dans les deux sens. Lorsque des manifestations sont signalées dans des patelins isolés, on a toujours minimisé leur ampleur en les imputant à de simples mécontentements vis-à-vis des collectivités locales. Or, à présent, la protestation atteint les abords de la capitale qui risque d'être mise à mal, si l'on continue à ignorer les préoccupations des citoyens. Il ne s'agit plus de simples mécontentements locaux, mais d'un sérieux problème qui a pris place dans la société algérienne. C'est comme la gangrène. Elle commence à toucher un organe avant d'atteindre toutes les autres parties du corps. Il n'est pas à écarter de voir un cortège officiel venant de l'aéroport international bloqué à à Bab Ezzouar ou à Dar El Beïda, à cause de quelques citoyens qui bloquent la route pour exprimer leur mécontentement à cause de... Quelle image donne-t-on de l'Algérie? L'urgence est signalée. On ne peut continuer dans la politique de la sourde oreille devant les signaux de détresse et de désespérance qui parviennent de la population. Mêmes motifs, même actions, mêmes réponses et mêmes résultats. Les motifs sont liés aux problèmes que rencontre le citoyen dans sa vie quotidienne. Les citoyens revendiquent l'eau, le gaz, le logement, la réfection des routes et la prise en charge de leurs doléances. A toutes ces préoccupations citoyennes, les réponses des responsables restent inchangées: fausses promesses et indifférence. Cet autisme des autorités concernées ne peut qu'engendrer la même action: émeutes et manifestations. Il faut souligner que cette situation n'est pas due, seulement, à un problème local, elle traduit un grand problème de gouvernance qui est remise en cause. Le malaise ne concerne pas un secteur précis, mais tout un gouvernement qui est appelé à s'impliquer pour trouver une solution aux doléances des Algériens pour en finir avec la culture de l'émeute.