La Belgique a regardé dimanche sa «mort en direct» dans une émission de télévision spéciale sur l'impact d'un éclatement du pays, qui a souligné les énormes difficultés pour organiser le divorce et confirmé que la question n'était plus taboue dans le pays. Qu'adviendrait-il de Bruxelles, du roi Albert II, de l'armée, de la dette nationale ou de la sécurité sociale? Ces questions ont été abordées en une quarantaine de minutes dans une édition spéciale du magazine d'actualité de la télévision publique belge néerlandophone VRT, baptisée «Plan B». L'émission, fait exceptionnel, a été simultanément retransmise sur la télévision publique francophone Rtbf. Elle rappelle par le thème choisi une «vraie-fausse» fiction retentissante sur la scission du pays, «Bye-Bye Belgium», diffusée fin 2006 par la Rtbf. Tournée comme s'il s'agissait d'un journal télévisé en direct annonçant la proclamation unilatérale d'indépendance par la Flandre, l'émission avait fait croire à des centaines de milliers de téléspectateurs, par le biais de faux reportages, que la messe était dite. Il n'en a rien été cette fois. L'émission entendait regarder la réalité en face en donnant la parole à 11 universitaires. Le simple fait que la télévision belge décortique la question montre néanmoins l'évolution qu'a connue l'opinion depuis que la crise politique nationale s'est brusquement envenimée en 2007 à la suite de revendications autonomistes plus dures de la part de la Flandre. La victoire d'un parti flamand séparatiste aux élections législatives de juin dernier, la N-VA, est passée par là. Depuis, le pays n'a toujours pas réussi à se doter d'un nouveau gouvernement. «En droit international, il n'y a pas de règles préétablies à suivre pour scinder un pays. Il faudrait tout négocier», a expliqué l'un des professeurs, rappelant que l'accord de scission de la Tchécoslovaquie comportait plus de 22.000 pages. Mais il est clair que les francophones auraient le plus à perdre économiquement d'une scission. En termes de richesse par habitant et par rapport à une moyenne nationale à 100, la Flandre se situe aujourd'hui à 109%, selon les statistiques officielles. La Wallonie n'est qu'à 87% et la ville-Région de Bruxelles est encore plus pauvre (86%). Entre le partage de la dette fédérale et le maintien des institutions européennes en Belgique, les problématiques découlant d'un éclatement sont sinon complexes, voire inextricables, ont souligné les experts. «Le repli de la solidarité vers des entités plus petites est un recul de la civilisation», a lâché Bea Cantillon, professeur à l'Université d'Anvers à propos de la sécurité sociale, l'une des rares expertes a avoir donné une opinion personnelle. Et puis il y a le casse-tête de Bruxelles, ville francophone, capitale de l'Europe mais située en Flandre et donc sans lien territorial avec la Wallonie plus au sud. Lors d'un débat, la N-VA et le parti d'extrême droite, Vlaams Belang, se sont réjouis que «les esprits aient évolué» et que le sujet ne soit plus un tabou. Les autres partis flamands ont souligné qu'ils continuaient, malgré le blocage actuel, à privilégier le dialogue afin de renforcer l'autonomie des régions, mais dans un cadre belge. Pour le président des Libéraux flamands, Alexander De Croo, s'orienter vers un éclatement «serait plonger dans l'incertitude pour au moins dix ans» car cela exigerait que Flamands et francophones se mettent d'accord «sur 40 sujets» alors qu'ils n'arrivent pas en régler un seul aujourd'hui.