Ce n'est, certes, pas la première fois que ce syndicat lance des menaces similaires avant de se rétracter au dernier moment. La première journée de la CEN-Ugta (Commission exécutive nationale), ouverte, hier, à Zéralda, a été celle des grands déballages. Ce qui, au début, ne devait être qu'une réunion ordinaire d'évaluation des activités a vite fait de se transformer en un réquisitoire contre la politique menée par les pouvoirs publics. Dans une allocution enflammée, le secrétaire général de l'Ugta a qualifié de «suicidaires» ce qui s'appelle les réformes de troisième génération signalant, au passage, que «même les pays les plus libéraux apportent des soutiens directs et indirects à leurs industries publiques et privées au moment où l'Etat algérien cherche à se dessaisir de tout». Cela avant de mettre en avant «la détresse sociale qui a atteint des proportions intolérables alors que les réserves de change atteignent 22 milliards de dollars, où la dette extérieure évolue négativement et où les surliquidités atteignent la bagatelle de 250 milliards de dinars». La salle, chauffée à blanc, comme un seul homme, a exigé de stopper ce «véritable suicide en recourant à une grève générale avec occupation des rues». La décision finale, quant à la stratégie qu'adoptera l'Ugta, ne sera pas connue avant aujourd'hui. De nombreux intervenants, s'exprimant au nom des grands complexes industriels, ont pris la parole pour abonder dans le même sens. L'Ugta, toutefois, nous a habitués à ce genre de «pétard mouillé». Le dernier en date remonte à 1998. Une petite lueur d'espoir a toutefois percé à l'exposé des résultats de la bipartite par M.Merabet, secrétaire national chargé de la Fonction publique. Cette rencontre, pour rappel, a permis d'augmenter fort substantiellement les salaires de quelque 500.000 travailleurs alors que la «réforme» de la protection sociale a été bloquée et que la statut général de la Fonction publique, en jachère depuis 1964, a enfin été remis à l'ouvrage. Le clou de la rencontre, comme de juste, est la position officielle et explicitée de l'Ugta par rapport au «supposé» projet de loi sur les hydrocarbures, supposé parce que, nous a indiqué Sidi Saïd en coulisses, «l'Ugta n'a pas été destinataire, de manière officielle, selon les circuits traditionnels, de ce document». Remarquable orateur, M. Badreddine, secrétaire national chargé des affaires économiques et responsable (moral) de la fédération des pétroliers, a exprimé cette position par rapport à «la dixième mouture du projet de loi». Dixième, car, explique-t-il, «le ministère de l'Energie a régulièrement revu sa copie sous nos pressions même si l'essentiel n'a pas été touché». Et d'expliquer que ces richesses représentent 97% des rentrées algériennes en devises et, partant, constituent un paramètre essentiel de la stabilité sociale, mais aussi une garantie très importante pour les générations futures. C'est à cause de ces richesses, est-il encore rappelé, que l'Algérie a consenti encore plusieurs années de lutte contre le colonialisme avec tous les sacrifices humains et matériels qui en ont découlé. «Nous sommes prêts à tout pour défendre ces acquis», martèle l'orateur avant d'entrer dans le vif du sujet. «Il est vrai, comme nous accuse le ministre de l'Energie, que nous avons refusé de prendre part à ses commissions techniques. C'est parce qu'il y avait des représentants de la Banque mondiale.» M.Badreddine poursuit, pour rejeter le document dans sa forme, car, «il n'est pas accompagné par l'exposé des motifs. En d'autres termes, un diagnostic du secteur, de même que les lacunes de la loi de 71, n'ont même pas été établis, ce qui procède d'un non-sens égal à celui qui avait présidé aux graves événements qui ont secoué l'Argentine car les deux lois sont identiques comme leur artisan». Pour ce qui est des détails, l'orateur souligne que l'article 2 du texte stipule que les ressources souterraines sont la propriété de l'Etat, alors que l'article 22 précise que lesdites richesses, si elles sortent de terre, deviennent la propriété de leur exploitant. Ce qui, aux yeux du responsable de l'Ugta, constitue «une grossière manière de contourner les garde-fous contenus dans la Constitution». Sonatrach, quant à elle, «devient l'indu propriétaire, contraint de faire un choix afin de céder une partie de ses gisements. Comme le ministre est aussi P-DG de la société...». Pour ce qui est de l'Autorité de régulation, poursuit-il, «le risque est grand de voir celle-ci servir les intérêts des étrangers au détriment de ceux de la nation». En clair, usant d'un langage cru, «des étrangers vont venir hériter avec nous». L'ouverture du marché, elle, peut faire passer le coût du carburant à 70 DA avec toutes les conséquences néfastes pouvant en découler. Pour revenir à la politique économique actuelle, et sur la base de rapports établis par des experts se basant eux-mêmes sur des constats dressés par des cerveaux, y compris un ancien conseiller du président Clinton, l'Ugta «refuse catégoriquement la privatisation des entreprises stratégiques, performantes et les services publics». Le communiqué final de la CEN devrait ramasser tout cela, donnant mandat au secrétariat national d'agir en conséquence...