L'Algérie participera-t-elle à la coalition antiterroriste internationale dirigée par les Etats-Unis pour mener des représailles contre Oussama Ben Laden? Si le soutien de principe existe de la part d'Alger, il n'en demeure pas moins conditionné par la nécessité de l'intégrer dans un cadre onusien. La déclaration du Conseil des ministres est venue lever le voile sur la position algérienne et le positionnement du Président Bouteflika dans cette crise mondiale. Le gouvernement algérien, qui prône «l'urgence et l'impérieuse nécessité d'une action universelle organisée dans le cadre d'une stratégie concertée», spécifie qu'elle doit être «conforme aux engagements internationaux conclus sous l'égide des Nations unies». Réitérant une condamnation ferme des attentats qualifiés d'«odieux», le gouvernement algérien rappelle qu'«il n'est ni sage ni juste de faire un amalgame entre la barbarie terroriste et l'Islam». Le Conseil, présidé par le Président Bouteflika, rappellera que «l'Algérie souffre depuis une décennie et a vu des dizaines de milliers de ses enfants périr par la brutalité d'un terrorisme qui frappe aveuglément sans distinction aucune». Alger appellera, enfin, à la détermination pour «la mise en place d'une coopération internationale effective». La réaction algérienne semble conforme aux principes de base qui régissent sa politique extérieure, notamment en matière de traitement du phénomène terroriste. Une solidarité avec les Etats-Unis est acquise sur le plan moral et politique, mais elle doit être sous-tendue par une assise légale que seules les Nations unies peuvent fournir. En tant que nation faisant partie de la sphère arabo-musulmane, l'Algérie se veut prudente sur la question de «l'amalgame» que risqueraient de générer des frappes contre une autre nation musulmane - fût-elle islamiste et abritant des foyers terroristes tels que l'Afghanistan ou le Pakistan - dans la mesure où la riposte américaine pourrait engendrer des complications internes aux régimes arabes confrontés à un islamisme grandissant et pourrait nourrir des frustrations au sein des sociétés islamiques qui deviendraient ingérables. Sur un autre volet, l'Algérie exprime sa solidarité à l'égard des Américains tout en rappelant que la coopération antiterroriste est un sujet de préoccupation permanente des Algériens depuis 1989 à l'émergence du FIS et ses extensions extrémistes, le MIA, le GIA et le Gspc qui ont fait près de 120.000 morts. Sur ce point, les Algériens sont indéniablement dans une position politique confortable, car, ayant souvent été parmi les pays, dans le concert international, à tenter de trouver des mécanismes à même de renforcer le partenariat dans la lutte contre les réseaux islamistes et terroristes. Au niveau diplomatique, Alger ne compte plus les sollicitations envoyées à Paris, à Londres, à Berlin, à Genève, à Bruxelles ou à Rome, leur demandant de faire preuve de moins de laxisme vis-à-vis des islamistes algériens réfugiés sur leurs territoires et les dossiers des terroristes du GIA, recherchés par la justice algérienne, à Interpol et qui sont demeurés sans aucune suite. Cet état de fait risque de changer, si l'on croit le quotidien arabe Alhayat, qui rapporte que l'Algérie a envoyé une liste de 350 islamistes algériens soupçonnés de terrorisme et réfugiés dans plusieurs capitales occidentales. Cette liste comprend des dirigeants islamistes inculpés par la justice algérienne d'appartenance à des réseaux terroristes, mais également des terroristes du GIA et du Gspc qui risquent de ne pas être identifiés par les services secrets européens et américains et qui ont été recrutés dans les réseaux de Ben Laden. C'est pour ces raisons qu'Alger soutient logiquement une action prolongée et efficace contre les réseaux terroristes internationaux de Ben Laden qui, par leurs prolongements financiers, logistiques et humains, voulaient instaurer un régime islamiste en Algérie. Mais Bouteflika, connaissant les imperfections des actions musclées unilatérales aux effets négatifs (Libye en 1986, Irak en 1991 et Soudan en 1998), craint un retour de manivelle interne. Les mesures de sécurité déployées autour des ambassades occidentales, accréditées à Alger, renseignent sur ces craintes avérées face à un terrorisme local qui risque de se revigorer, suite aux attentats américains. Les services de sécurité s'inquiètent que les attentats-suicide contre le WTC et le Pentagone ne donnent une nouvelle inclinaison aux groupes terroristes du GIA et du Gspc qui se mettraient dans l'idée d'emprunter des méthodes d'action similaires. Connaissant parfaitement la position algérienne, l'administration Bush compte déjà Alger parmi ses «alliés» potentiels dans cette guerre contre le terrorisme qui sera, selon Dick Cheney et Colin Powell, «longue et impitoyable» et qui englobera une action «militaire, politique, diplomatique, financière et culturelle». Exactement ce que demandait Alger, depuis une dizaine d'années.