A l'occasion de ses 10 ans, Barzakh fête son anniversaire avec la publication d'un étonnant recueil de nouvelles et photographies. Prétexte d'un genre choisi, le roman noir, les amoureux de littérature sont conviés à plonger, tête baissée, dans Alger. Ville morte, ville fantôme, jadis Blanche, aujourd'hui morne, bien des histoires se nouent en son sein. Décriée, honnie, elle fait parfois l'objet de phantasmes, par les gens de l'intérieur, souvent intrigante car suspicieuse, sombre et insolente. La nuit, elle sort ses griffes, vous étreint ou vous ennuie à mourir. Que font les «Algérois» une fois la nuit tombée? C'est la question à laquelle sept auteurs algériens ont tenté de répondre de façon romancée. Alger de tous les tourments et les mésaventures, fait ainsi l'objet d'un livre publié récemment aux éditions Barzakh. Son nom, Alger, quand la ville dort...Un titre qui fait écho à celui d'un film américain réalisé par John Huston (1950) d'après le roman-homonyme de William R. Burnett. Et pourquoi ne pas traiter Alger sous l'angle du polar? Une idée qui sied parfaitement aux ambiances d'Alger by night! Fêtant les dix ans d'anniversaire de leur maison d'édition, Selma Hellal et Sofiane Hadjadj présentaient, samedi dernier, à la libraire Internationale Chihab, de Bab El Oued, ce livre décliné en recueils de nouvelles et photos. Ils profiteront, à cette occasion, pour rappeler à l'assistance leur parcours jonché de doutes et de vicissitudes. 10 ans de production et d'accompagnement d'auteurs, de remise en question, mais de passion indescriptible pour les mots. «La littérature contemporaine algérienne reste le coeur de notre passion qui nous anime matin et soir, depuis dix ans...», dira Sofiane Hadjadj. Pour sa part, Selma Hellal, remerciera tous les auteurs qui lui ont fait confiance quasi aveuglément tout en rendant hommage à feu Sadek Aïssat, auteur et journaliste disparu en 2005. Aussi, restituer Alger avec ses «faiblesses» et «errances», c'est ce que nos sept auteurs se sont attelés à faire à travers leurs nouvelles, toutes surprenantes, les unes que les autres. Quatre étaient présents samedi dernier à la présentation de ce livre. Le premier à prendre la parole, Chawki Amari (a déjà publié chez Barzakh un roman intitulé Le Faiseur de trous) dira que malgré la facilité du thème Alger reste complexe. «On a essayé d'écrire des histoires qui nous ressemblent un peu et ressemblent à Alger avec tous ses «particularismes» Intitulé L'Homme sans ailes, sa nouvelle mêle trois histoires dans trois endroits différents en tentant de les relier ensemble. Pour sa part, Kamel Daoud (journaliste au Quotidien d'Oran) a, dans sa nouvelle au titre fantaisiste La Transsexualité est-ouest et le Minotaure 504, choisit de mettre l'accent sur le côté hybride de la ville Alger «cet animal prédateur qu'on croit être une femme et au moment de s'en approcher pour l'embrasser se révèle être un homme!», dira-t-il. Kamel Daoud optera pour un regard du dehors, celui d'un chauffeur de taxi sous forme de monologue. «j'ai tenté de raconter Alger tel qu'elle me fait peur». Dans Les Chiens errants, Hajar Bali (également auteur de pièces de théâtre, a déjà publié chez Barzakh Rêve et vol d'oiseau) a choisi de mettre en scène un couple de jeunes gens, un voyou de 22 ans amoureux d'une étudiante de 20 ans et de les faire évoluer dans un cadre hostile, entre amour et dispute avec le cadavre d'un vulcanisateur en arrière-fond. «Une nouvelle vénéneuse» a tenu à préciser Selma Hellal. Fidèle à son écriture grinçante, un peu pathétique avec un zeste de loufoque, qui inspire «le rire et les larmes à la fois», Habib Ayyoub a fait oeuvre d'imagination bien féconde dans Alger, nombril du monde, en décrivant une drôle d'enquête à l'aide de l'inspecteur Bolbol, lequel essaye de remonter une filière de coupeur de têtes...Hilarant. Autres nouvelles qui constituent ce recueil sont Le Sixième oeuf de Kaouther Adimi (auteur Des Ballerines de papicha), La Dernière course d'Ali Malek et Des nuits dans mon rétroviseur de Sid-Ahmed Semiane, alias SAS. Des photos à lui en noir et blanc ornent également ce livre, tout comme celles plutôt anciennes de Nasser Medjkane. Des photos en noir et blanc qui se répandent dans une correspondance harmonieuse pour narrer le quotidien morose, parfois misérable des Algériens. «Provincial perdu dans la capitale, gardien de parking, gosse de riche oisif, inspecteur de police, chauffeur de taxi, étudiante mélancolique, les personnages que l'on croise vivent à Alger, ils arpentent la ville, s'y ennuient, s'y (dé)battent, s'y amusent et la racontent»...lit-on en quatrième de couverture de Alger, quand la ville dort... En somme, des personnages que l'on croise souvent dans la rue sans leur prêter attention. Chaque auteur avec son style, sa sensibilité et son vécu a donc tenté de raconter cette ville qui ronfle, qui pleure ou gémit la nuit. Une ville bouillonnante, songeuse, rayonnante, sordide ou caressante et avec ses scènes cocasses, insolites, incongrues, drôles ou indécentes. Comme une femme, Alger se découvre ainsi à nous par sept fois dans cet ouvrage. A lire, à s'y mouvoir ou s'y revoir.