Les groupes armés se répondent en écho par massacres interposés. Les spécialistes de la situation sécuritaire en Algérie notent avec inquiétude la subite poussée de violence, très manifeste, et qui prend carrément des formes de démonstration de force depuis les premiers jours qui ont suivi le tremblement de terre du 21 mai. Cette démonstration de force s'est manifestée de manière différente, selon qu'il s'agisse du Gspc, dans l'Est algérois, la Kabylie et l'Est du pays, ou du GIA, à Médéa, Chlef, Aïn Defla et le pourtour des monts de l'Ouarsenis. Le choc du tremblement et les effets qui en ont résulté ont été à ce point important pour occulter une activité fébrile des groupes armés et dont ne transparaissent uniquement que les assassinats les plus sanglants, et qui ont retenu l'attention des médias. Des actions, moins médiatisées, plus significatives, ont eu lieu pourtant durant la quinzaine écoulée et qui, en fait, renseignent sur un nouveau redéploiement des actions armées à la veille de la saison estivale, et qui font craindre le pire. Trois jours après le terrible tremblement de terre qui a ébranlé Boumerdès et la capitale, huit personnes ont été assassinées à Aïn Merrane, dans la wilaya de Chlef. Le lendemain, lundi 26 mai, un homme est assassiné à Harbil, en contrebas des monts de Médéa. La veille, dimanche, deux personnes sont assassinées par balles dans un faux barrage au lieu dit Oued Chorfa, dans la daïra de Sidi Mahdjoub, à Médéa. Dans la nuit du 26 au 27 mai, c'est le carnage le plus important de ce début d'été, qui est perpétré au douar Aïn Soltane, au sud-ouest de la commune de Tadjna, dans la wilaya de Chlef. Le 2 juin, un patriote est assassiné à Settara, dans la wilaya de Jijel, lors d'une embuscade que lui a tendue un Gspc local. Le même jour, une bombe enfouie dans le sol, dans une forêt à Bissi, à une quinzaine de kilomètres de Skikda, tue un homme de 31 ans. Le lendemain, tard dans la soirée du 4 juin, douze personnes sont assassinées à Boumedfaâ, dans l'axe menant de Blida à Khemis Miliana. Attribué au GIA d'Abou Tourab Rachid, cet attentat a mobilisé plus d'une douzaine de terroristes, qui ont carrément investi les lieux, de part et d'autre de l'autoroute, pour intercepter au moins sept véhicules et tuer les occupants à bout portant. L'importance des douilles retrouvées renseigne sur le nombre important des assaillants. Le lendemain, 4 juin, neuf policiers sont assassinés dans une opération spectaculaire menée par un Gspc local, à Beni Douala, à l'Est de Tizi Ouzou. Deux véhicules de la Bmpj, ont été criblés de balles, après avoir été immobilisés par de fortes déflagrations de bombes artisanales dissimulées sur leur passage. La fusillade qui s'en est suivie avec la riposte des survivants, a permis aux assaillants de disparaître dans les maquis de Beni Douala, une bourgade enclavée dans une zone montagneuse et luxuriante. Ce survol synoptique - qui ne prend en ligne de compte que les quinze derniers jours - permet déjà de dresser un tableau très inquiétant sur ce qui peut encore arriver. Depuis le début de l'été dernier, le GIA a été littéralement terrassé dans l'Algérois avec, notamment, le démantèlement en juin 2002 du «groupe des 16», cellule très ative aux ordres de Abou Tourab Rachid, le fantomatique émir du GIA après la mort de Zouabri, tué en plein centre de Boufarik, le 8 février 2002. Un an après, le GIA avec une quarantaine d'assassinats à lui seul en moins d'une semaine, a-t-il (re) formé ses escadrons de la mort? A l'évidence, et à la lumière de cette débauche de violence, on serait tenté de croire qu'il y a de nouvelles recrues, assez jeunes et entreprenantes, pour passer à la vitesse supérieure. «La consolidation durable de la sécurité en Algérie» a été le point fort de l'intervention du nouveau chef du gouvernement Ahmed Ouyahia lors de la présentation du projet du programme du gouvernement devant les députés. Ouyahia, dont les tendances résolument, absolument et ostensiblement anti-islamistes ne sont plus à démontrer, a aussi rendu un fervent hommage aux corps de sécurité, dont les GLD, qu'il avait lui-même, lors de son premier passage à la tête du gouvernement, plébiscités et portés à bras le corps. Voilà, peut-être, la clé de cette poussée de violence constatée depuis quelques jours, après une accalmie qui aura duré plusieurs semaines. A la «violence ciblée» prônée par le Gspc, répond en écho la «violence aveugle» prêchée par le GIA. Deux types de violence qui ont repris depuis quelques jours et dont les messages, illisibles, car invisibles, restent à décrypter?