Les dirigeants palestiniens ont accueilli hier très fraîchement, sans cacher leur scepticisme, les déclarations de Hillary Clinton en vue d'une relance du processus de paix via des négociations indirectes avec Israël. «Les Etats-Unis remettent sur le tapis des négociations indirectes avec Israël, ce qui veut dire qu'ils n'ont rien à proposer pour le moment», a déclaré le négociateur palestinien Mohammed Shtayyeh. «Il n'est pas raisonnable que les Etats-Unis s'abstiennent de prendre position et laissent les parties négocier sans fixer un objectif final», a-t-il souligné. M.Shtayyeh a demandé à Washington d'adopter une position plus ferme face à Israël, consistant à «reconnaître un Etat palestinien dans les frontières (d'avant la guerre israélo-arabe) de juin 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale ou du moins annoncer que tel sera l'objectif final des négociations». Un autre leader palestinien, Yasser Abed Rabbo, conseiller du président Mahmoud Abbas, a exprimé la colère et la frustration des Palestiniens qui ne semblent plus entretenir la moindre illusion sur l'avenir des discussions - directes ou indirectes - avec le gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu. «L'ancien mode de négociations n'a abouti à aucun résultat et nous n'accepterons pas d'y revenir», a averti M.Abed Rabbo, dans une interview au quotidien Al-Hayat, laissant entendre que les Palestiniens pourraient choisir la voie d'une proclamation d'indépendance unilatérale. Côté israélien, le cabinet réuni hier s'est abstenu de réagir officiellement, tout en laissant apparaître des désaccords internes. Un proche de M.Netanyahu, le ministre de l'Environnement Gilad Erdan, a fait savoir que le gouvernement n'était pas prêt à discuter des questions clés du conflit «un chronomètre à la main» sous la pression américaine. «Il n'est ni logique ni dans l'intérêt d'Israël de négocier un chronomètre à la main», a-t-il dit, affirmant que le Premier ministre «va continuer à oeuvrer pour la paix, étant bien entendu que son prix ne soit pas tel qu'il menacerait l'existence et l'avenir d'Israël». M.Erdan a écarté tout retrait global de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est occupées, que réclament les Palestiniens. Par la même occasion, il a désavoué le ministre travailliste de la Défense Ehud Barak qui a évoqué à Washington l'hypothèse d'une partition de Jérusalem dans le cadre d'un règlement de paix, un point de vue opposé à celui de Benjamin Netanyahu. Sur cette question, Ehud Barak «ne représente ni le gouvernement ni le Premier ministre», a répliqué M.Erdan. A l'opposé, le ministre du Commerce et de l'Industrie Binyamin Ben Eliezer, un travailliste, a évoqué la menace d'un départ de son parti du gouvernement si les «négociations de paix sont gelées» du fait de l'intransigeance d'Israël. Face à l'échec de la stratégie de l'administration Obama, qui n'a pas réussi à obtenir d'Israël un nouveau gel de la colonisation, la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a proposé vendredi une relance des négociations indirectes pour sortir le processus de paix de l'impasse, exhortant les deux parties à s'attaquer «sans retard» au fond du dossier. Washington a dépêché à cet effet, pour une énième tournée dans la région, son émissaire George Mitchell qui doit rencontrer demain M.Netanyahu et mardi le président Abbas. Washington veut amener les parties, chacune en tête-à-tête avec les Etats-Unis, à se concentrer désormais sur les paramètres centraux d'un accord de paix: la question des frontières, celle du statut de Jérusalem, celle des réfugiés et le sort définitif des colonies.