Des dizaines de personnes blessées et plus de 60 arrêtées depuis samedi dernier. Les émeutes du logement prennent une nouvelle tournure à Alger. Désormais, elles se déroulent la nuit. De violentes échauffourées ont opposé les manifestants aux éléments de la police antiémeute durant la nuit du lundi au mardi derniers. La colère a enflammé la cité des Palmiers, de la commune de Bachdjarrah, et le quartier de Laâqiba de la commune Mohamed Belouizdad (ex-Belcourt). Bilan: plus de 50 blessés, une trentaine de personnes arrêtées, selon des témoignages recueillis sur les lieux. La liste des arrestations s'est alourdie depuis le déclenchement des émeutes samedi dernier. «Plus de 60 personnes ont été arrêtées depuis le début des événements», témoigne un habitant de la cité des Palmiers. Ce jeune d'une trentaine d'années a avoué avoir échappé de justesse à la dernière vague d'arrestations. «J'ai dû passer la nuit loin du domicile de mes parents», explique-t-il. «Les policiers ont investi nos maisons vers quatre heures du matin. Ils ont emmené plusieurs personnes», assure un autre habitant, un homme d'une quarantaine d'années. Selon ce dernier, les personnes arrêtées ont été transférées à la prison dite des «Quatre Hectares» à El Harrach. «Ils ont arrêté des mineurs et des vieux qui n'ont rien à voir avec les affrontements», a-t-il dénoncé. Retour sur une nuit de colère. Les éléments de la police antiémeute investissent la cité vers cinq heures du soir. «Ils ont commencé à proférer des insultes et obscénités à l'égard de la population. Ils insultaient nos mères, nos femmes et nos soeurs», dénonce un homme, père d'une famille nombreuse. Aux insultes des policiers, les jeunes ripostent par des jets de projectiles. La situation devient intenable. Les minutes s'égrènent, les affrontements s'intensifient. «La police nous a attaqués avec des bombes lacrymogènes. Plusieurs de nos maisons ont été la cible de ces projectiles», déplore une femme dont le poids des ans n'a guère entamé la colère. Les émeutes se sont poursuivies jusqu'à une heure du matin. A cette heure, les manifestants rentrent chez eux. La cité retrouve son calme. Cette accalmie ne dure que trois heures. «Vers quatre heures du matin, j'entends frapper à notre porte», se souvient un jeune, le regard douloureux. Il a vu son frère, un étudiant, se faire arrêter. Un cri entrecoupe le témoignage de ce jeune. «Les flics viennent d'arrêter un jeune de 33 ans et un vieux de 63 ans», avertit une voix juvénile. La tension monte d'un cran. Ces arrestations attisent la révolte des habitants. «Comment se fait-il que des Algériens (les policiers) répriment leurs frères (les manifestants) qui ne demandent que leurs droits?», s'interroge une dame. Elle révèle un fait étonnant. «Samedi dernier, je suis sortie brandissant l'emblème national. Un policier m'a chargée!», condamne-t-elle. La cité des Palmiers est un ancien campement militaire colonial. Elle contient 720 maisons d'une pièce-cuisine chacune. «Je suis père d'une famille de 11 membres et j'habite dans un pièce-cuisine», déplore un résident, la quarantaine révolue. Un autre habitant lui emboîte le pas. «L'exiguïté de ma maison m'a poussé à construire une baraque en bas des bâtiments. Cela m'a valu une amende de 5000 dinars. Seulement, j'ai un arrêté de relogement qui date de 1984 et je n'ai pas bénéficié de logement. Qui va payer le préjudice moral du à cette longue attente?», s'interroge-t-il. Tout à fait en bas de la cité, les policiers ont quadrillé les deux entrées du tunnel de Oued Ouchayah. Près d'une quarantaine de véhicules de la police, des fourgons, 4x4 et voitures banalisées sont visibles sur les lieux et le renfort n'arrêtait pas d'affluer. Un autre quartier vit au rythme des émeutes nocturnes: Laâqiba. Cette cité a vibré au rythme de la colère. Des échauffourées ont également, opposé ses habitants aux éléments des forces de l'ordre. Décidément, l'opération de relogement de 1 600 familles, effectuée ces derniers jours par la wilaya d'Alger, s'est déroulée sur fond d'émeutes. L'embrasement continue.