Elles proposent un débat à même de dégager des actions et des solutions aux appels de cette jeunesse désespérée et révoltée. Les organisations de la société civile vont-elles réinvestir le terrain à la faveur des derniers mouvements de protestation qui ont secoué l'ensemble des régions du pays? A voir les prises de position qui ont accompagné les émeutes durant les derniers jours de la protestation, on est tenté de le croire. Les partis politiques, les syndicats, les organisations de défense des droits de l'homme ont tous réagi, même si les mouvements de contestation ne se sont enveloppés d'aucun slogan politique ni n'ont exprimé de revendication d'ordre social. La gravité de la situation a fait que le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a appelé, lui-même, la société civile à investir le terrain. «Ces douloureux événements interpellent toute la société algérienne dans ses différentes composantes, partis politiques, syndicats, associations, comités de quartier et de village, qui doivent agir sur le terrain», a déclaré M.Ould Kablia à l'APS. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a, de son côté, souligné, dans un communiqué d'avant-hier, qu'il «entreprend d'ores et déjà des contacts avec toutes les forces politiques et sociales persuadées que la prolongation du statu quo ne peut mener qu'à l'enterrement de l'Algérie démocratique et sociale pour laquelle se sont battues et sacrifiées des générations entières». Hier, encore, pas moins de cinq organisations ont signé un communiqué commun et ce, suite aux événements qui se déroulent actuellement à travers tout le pays. Il s'agit de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), le Syndicat national autonome des personnels de l'administration publique (Snapap), le Syndicat autonome du technique, de l'enseignement et de la formation (Satef), le Conseil des lycées d'Algérie (CLA), la Coordination des sections du Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes). Ces organisations, qui regrettent que la violence soit devenue la seule façon de se faire entendre, proposent qu'une rencontre nationale se tienne pour débattre des actions à mener afin d'apporter leur aide et leur solidarité concrète à cette jeunesse. Elles disent soutenir et défendre cette frange de la société pour plusieurs raisons. «Parce qu'elle exprime un désir fort de dignité, de liberté et d'espoir, parce que la somme de tous les dégâts causés par les émeutiers n'arrive même pas à la hauteur d'un seul scandale de malversation dont l'Algérie est riche (Banque Khalifa, BCA, Sonatrach, Brown and Condor, etc.) et parce que cette jeunesse vit ou, plutôt, survit en Algérie. «Parce qu'elle voit ses parents, ses voisins son entourage laminés par un pouvoir d'achat dérisoire et cela lorsqu'elle ne dépend pas (elle et toute la famille) des allocations de misère (...)», ajoutent-elles. Dans leur communiqué, ces organisations demandent également la levée de l'état d'urgence et l'ouverture du champ médiatique, politique, syndical et associatif «afin que les conflits puissent être réglés par la force d'un droit qui prend en charge les intérêts et les préoccupations de la majorité de la population et non pas par le droit d'une force qui protège les intérêts d'une minorité». «Nous dénonçons la répression qui s'abat sur cette jeunesse (qui s'est toujours battue) et demandons à toutes les organisations d'assumer leurs responsabilités devant la gravité de la situation et devant l'Histoire», ajoute encore le communiqué, exigeant la libération de ceux qui sont considérés comme émeutiers car «ceux qui ont contribué par leurs décisions et actes de gestion autoritaire à fabriquer les émeutiers sont les premiers à devoir comparaître devant la justice». Pour les organisations signataires du communiqué, cette révolte est le résultat de plusieurs facteurs. Elles citent le non-exercice des libertés publiques et l'obstruction de toutes les voies pacifiques de revendication (interdiction des grèves, rassemblements, marches pacifiques), le refus de toute médiation sociale en marginalisant toute représentation réelle de la société et la généralisation de la corruption sur fond d'injustice sociale criante.