Où sont passés les députés qui touchent 30 millions quand des jeunes détournés par des voyous cassaient? Au lendemain des émeutes qui ont prévalu pendant trois jours, la rue est aux commentaires et aux bilans. Nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi tant de dégâts pour des miettes? Les pertes se chiffrent en milliards de centimes. Les édifices saccagés sont des lieux publics chargés d'accomplir des prestations de services au profit du citoyen. La cherté de la vie n'est en fait que la goutte qui a fait déborder le vase. Pour les plus initiés, le marasme qui ronge la jeunesse est plus profond. Ce n'est ni le prix de l'huile ni celui du sucre qui a poussé les jeunes dans la rue. Pour Hakim, un enseignant syndicaliste: «Nos responsables viennent une nouvelle fois de prouver leur incapacité à apporter des solutions. Ils attendent la crise pour réagir.» L'allusion est faite au conseil des ministres et à ses décisions. «Pourquoi avoir attendu les émeutes pour décider une baisse?» s'est interrogé notre interlocuteur. Mustapha, médecin, lui, conteste les mesures prises. «L'annulation de certaines taxes douanières, à l'origine des hausses, reste une victoire pour les détenteurs de monopoles et des barons de l'informel.» Précisons que des émissions ont été organisées par la Radio nationale pour vulgariser les mesures. «Personnellement, je n'ai rien compris à ces décisions. Moi ce qui m'intéresse ce sont les répercussions sur mon portefeuille et là je vous jure que les réductions de 10 DA sur le sucre ou les 130 DA de l'huile ne peuvent ni ruiner ni enrichir un foyer.» Un autre citoyen, lui, se dit outré par le silence des élus, des associations et des partis. «Tout au long des émeutes nous n'avons vu personne. Aujourd'hui, on entend des voix se lever pour condamner les actes de vandalisme. Il fallait à mon sens anticiper et intervenir pour éviter les dégâts et non se lamenter aujourd'hui sur des ruines», nous dira un fonctionnaire de l'Opgi dont les locaux ont été saccagés. Au milieu de ces avis partagés, Ami Rabah, un enseignant à la retraite, intervient énergiquement pour résumer la situation. «Les jeunes sont sortis pour exprimer un désespoir. La police a fait son travail de garant de l'ordre public. Nous les adultes on a contemplé. Où étions-nous, nous, parents quand nos enfants mineurs risquaient leurs vies au milieu de vandales? Où sont passés les députés qui touchent 30 millions quand des jeunes détournés par des voyous cassaient la poste? Où sont passés les partis et les associations qui, à l'occasion de chaque cérémonie officielle, se bousculent pour tirer profit des caisses de l'Etat? La liste reste longue et le jour où on pourra répondre à ces questions, l'Algérie alors entrera dans le cercle des nations civilisées.» L'après-émeutes c'est aussi un défilé de jeunes qui, quotidiennement, sont déférés devant la justice. Depuis maintenant trois jours, le tribunal de Bouira travaille sans relâche. Des parents, des amis de personnes arrêtées pointent devant la structure à la recherche d'informations concernant leurs proches. «J'espère que la justice sera clémente avec des jeunes qui eux-mêmes sont déjà des victimes d'une société qui a perdu ses valeurs, qui court après le gain et où l'éducation n'est plus un fondement», dira en conclusion un sexagénaire.