Les émeutes ont commencé en décembre dernier. Depuis un mois, la Tunisie est en proie à des émeutes. Le 19 décembre, c'est le début du mouvement social contre le chômage et la vie chère à Sidi Bouzid (centre-ouest) en réaction à l'immolation, le 17, d'un jeune vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, qui protestait contre la saisie de sa marchandise par la police. De violents affrontements entre forces de l'ordre et jeunes manifestants s'en sont suivis inaugurant une vague d'arrestations. Le 24, la police tire sur des manifestants à Menzel Bouzayane (60 km de Sidi Bouzid): deux morts. Le 28, le président Zine El Abidine Ben Ali dénonce une «instrumentalisation politique». Au début de l'année, ce n'est pas plus calme. Du 3 au 7 janvier, des violences sont signalées à Saïda et des manifestations à Thala (centre-ouest) marquées par des saccages et l'incendie de bâtiments officiels. Du 8 au 10, des émeutes sanglantes à Kasserine (centre-ouest), à Thala ainsi qu'à Regueb (près de Sidi Bouzid) ont fait 21 morts selon les autorités, plus de 50 selon une source syndicale. Des affrontements ont aussi lieu à Kairouan (centre). Le 10, le président Ben Ali dénonce des «actes terroristes» perpétrés par des «voyous encagoulés» et promet la création de 300.000 emplois supplémentaires d'ici 2012. Un jour plus tard, ce sont les premiers affrontements à Tunis et sa banlieue avec la poursuite des violences à Kasserine suivies de la fermeture des écoles et des universités. Le lendemain, le Premier ministre annonce le limogeage du ministre de l'Intérieur, la libération des personnes arrêtées, sauf celles «impliquées dans des actes de vandalisme», et une enquête sur la corruption. A ce moment, plusieurs morts dans des manifestations à travers le pays sont dénombrés, notamment un Franco-Tunisien à Douz (sud). L'armée se déploie ensuite dans Tunis et dans la banlieue populaire de Ettadhamen. L'arrestation du chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (Pcot, interdit) Hamma Hammami, intervient rapidement. Et c'est au tour de l'ONU d'appeler Tunis à mener des enquêtes «indépendantes crédibles» sur les violences. Le tout au moment où un couvre-feu nocturne à Tunis et sa banlieue est décrété et où des affrontements font huit morts, selon la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme. Les manifestants n'ont pas manqué de cibler les symboles du pouvoir et de l'argent. Ce n'est que le 13 janvier qu'un retrait de l'armée à Tunis est annoncé mais elle reste quadrillée par les forces spéciales et entre-temps un manifestant est tué par balles. A ce moment, la France se dit inquiète de «l'utilisation disproportionnée de la violence». La destruction et les pillages n'ont pas épargné la station touristique de Hammamet (60 km au sud de Tunis). Le même jour, à savoir avant-hier, dans un discours à la nation, Ben Ali s'engage à quitter le pouvoir en 2014 et ordonne la fin des tirs contre les manifestants. Il promet la «liberté totale» d'information et d'accès à l'Internet et annonce une baisse des prix. Malgré l'annonce, treize morts sont déplorés à Tunis, selon des sources médicales et deux à Kairouan pendant l'intervention télévisée. Un autre acteur entre en jeu. Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) appelle au renversement du régime. L'information est répercutée par le service américain de surveillance des sites islamistes. Hier, des milliers de manifestants, aux cris de «Ben Ali dehors», se rassemblent à Tunis et en province, notamment à Sidi Bouzid. Il y a eu de violents heurts dans la capitale entre des groupes de manifestants et des policiers anti-émeute. Un photographe étranger est blessé à la tête par un tir de gaz lacrymogène. Des blindés de l'armée se déploient devant les ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères ainsi que devant la Télévision et Radio nationales. Ben Ali limoge son gouvernement et appelle à des législatives anticipées dans six mois, annonce le Premier ministre Mohamed Ghannouchi, qui indique avoir été chargé de former le nouveau gouvernement. Le rapatriement de milliers de touristes européens est opéré. L'état d'urgence est décrété dans tout le pays. L'armée contrôle l'aéroport, l'espace aérien est fermé. Vint ensuite la libération de l'opposant Hamma Hammami. Peu avant 19 heures, heure algérienne, le Premier ministre annonce qu'il assume les pouvoirs de la présidence. Signant la fin du règne de Ben Ali.