«La Tunisie, le Maroc, l'Algérie, c'est presque un problème de politique intérieure pour la France», a déclaré, lundi sur les ondes de RTL, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. Les Tunisiens font leur révolution. Les proches du chef de l'Etat français cafouillent. La révolution de jasmin en cours en Tunisie fait perdre le nord au gouvernement français. Les justifications d'Henri Guaino qui devaient expliquer la réaction très tardive de la France par rapport aux soulèvements populaires de Tunisie qui ont mis fin à près d'un demi-siècle de dictature et provoqué la chute du président Zine el Abidine Benali, frisent l'incident diplomatique. «Qu'il ait pu y avoir des maladresses ou des incompréhensions, après tout, cela est possible. Imaginez que la France intervienne dans les affaires d'un pays qui est un ancien protectorat français, qu'aurait-on dit? Nous entretenons des relations qui sont à peine de la politique étrangère. La Tunisie, le Maroc, l'Algérie, c'est presque un problème de politique intérieure pour la France, tellement les liens sont profonds, étroits», répondait hier matin Henri Guaino qui était «L'invité de RTL», une interview politique animée par Jean-Michel Apathie qui est aussi le chroniqueur attitré du Grand Journal sur Canal+. Il n'y avait aucun piège dans la question du journaliste mais la réponse du conseiller du président de la République française qui, par ailleurs, assume la fonction de chef de la mission interministérielle pour le projet d'Union pour la Méditerranée, a débordé. Elle a atteint les berges de l'histoire pour ressusciter un passé douloureux pas si lointain où la France régnait en puissance colonisatrice, sans partage, sur l'ensemble des territoires d'Afrique du Nord. Un passé qu'elle dit pleinement assumer mais qui, quelquefois, ressurgit sous la forme d'une certaine nostalgie lorsque le subconscient se met en marche et trahit l'expression de la pensée profonde. Il se traduit par des maladresses ou des dérapages, c'est selon le camp où l'on se situe. Dans le langage codé des relations internationales, il est qualifié d'ingérence dans les affaires intérieures des pays souverains concernés. Il se traduit souvent en incident diplomatique. Les déclarations du conseiller spécial de Nicolas Sarkozy viennent se greffer sur l'intervention de la ministre des Affaires étrangères au sein du Palais Bourbon. Son allocution au sujet des émeutes qui battaient leur plein en Tunisie a soulevé un tollé, notamment dans les rangs des partis de gauche. Le 11 janvier, soit à soixante- douze heures de la chute de Ben Ali, Michèle Alliot-Marie avait proposé au gouvernement tunisien vacillant l'expertise française en matière de sécurité. Elle a fait l'éloge du savoir-faire des forces de sécurité françaises «reconnu dans le monde entier, permet de régler des situations sécuritaires de ce type» devant des députés médusés. La chef de la diplomatie française a tenté de se rattraper par la suite. «Je suis consternée quand je vois des morts ou des blessés dans des manifestations, où que ce soit. Les forces de l'ordre françaises ont un savoir-faire reconnu pour gérer des mouvements de foule sans usage disproportionné de la force. Il y avait en Tunisie des tirs à balles réelles, des morts. Pour que de telles situations ne se reproduisent pas dans l'avenir, j'ai donc dit que nous étions prêts à aider à former les forces de l'ordre tunisiennes, comme nous le faisons pour d'autres pays, au maintien de l'ordre en veillant à la préservation des vies», a-t-elle confié, pour se justifier, dans une interview accordée au Journal du dimanche. Le peuple tunisien avait besoin de soutien. C'est à une dictature vacillante que la ministre française des Affaires étrangères a proposé les services de la France. Sans doute pour mater une révolution en marche et préserver les intérêts de l'Hexagone.