Des arrière-pensées politiciennes n'y seraient pas étrangères. Les événements tragiques vécus par la région de Chlef semblent avoir servi de déclic à des initiatives citoyennes pour dire non au terrorisme aveugle et pousser les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités. C'est du moins la première idée qui se dégage de l'initiative lancée par un groupe d'associations de la wilaya, pour l'organisation d'une marche demain. Des sources de la région ont déclaré qu'un officier supérieur de l'ANP, qui avait assisté à l'enterrement des victimes du massacre de H'mayess, aurait, pour échapper au courroux des présents, proposé l'idée d'organiser une manifestation pour obliger les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités. Il aurait même précisé que le temps est venu de voir les citoyens s'impliquer davantage dans la lutte terroriste en obligeant les élus, nouvellement installés, à tout mettre en oeuvre pour éviter que des régions entières soient sous la menace des groupes armés. Cette sortie, qui intervient dans une conjoncture spéciale marquée par l'organisation du congrès international sur l'échange d'expériences en matière de lutte antiterroriste et le retour sur la scène politique des courants hostiles à la politique de la loi sur la concorde civile, soulève moult interrogations. Des associations à caractère social ont profité de la situation pour s'engouffrer dans cette brèche et appeler à une marche au cours de laquelle il sera fait exigence aux pouvoirs publics de protéger les biens et les citoyens et restituer les armes des habitants de la région placées sous séquestre depuis la période 1994-95. On se rappelle que depuis la marche du 29 juin 1994 organisée par le RCD, et qui avait été ciblée par un attentat terroriste, la rue n'avait jamais servi de tribune pour condamner le terrorisme. L'initiative de Chlef pourrait être utilisée par certains clans éradicateurs pour faire avancer leurs thèses et dénoncer la politique de la concorde civile. Les suspicions de manipulation existent et à grande échelle, et plusieurs forces seraient tentées de prendre un cri de coeur citoyen pour servir ses intérêts. C'est pourquoi, au-delà de la douleur des habitants de Chlef, des intérêts peuvent profiter de la conjoncture pour faire basculer l'équilibre des forces. Les sorties de certains clans éradicateurs, qui agitent ces derniers temps le spectre d'une fracture sociale pour alimenter leur augmentaire, ne trompent pas et si certains ont usé et abusé du «Qui tue qui?» d'autres aujourd'hui viennent remettre en question une politique plébiscitée par une large majorité du peuple. Il est vrai que la conjoncture internationale paraît favorable à une guerre sans merci au terrorisme, mais cela ne devrait pas servir à remettre en cause ce qui a été construit jusque-là. En attendant, Chlef et sa marche ne pourront servir que de halte à une manipulation à géométrie variable de clans connus pour leur hostilité au chef de l'Etat, à son programme et à ses options politiques.