Les Centrafricains sont appelés à voter aujourd'hui pour les législatives et à élire le président. Le chef d'Etat sortant, François Bozizé, au pouvoir depuis 2003, part favori. La campagne électorale pour la présidentielle et les législatives d'aujourd'hui en Centrafrique, pays miné par des années d'instabilité, s'est terminée alors que l'opposition accuse déjà le président François Bozizé, favori du scrutin, de vouloir frauder. Aucun incident violent majeur n'a troublé la campagne qui s'est déroulée dans le calme, voire, selon plusieurs observateurs, «sans beaucoup de mobilisation», jusqu'à son terme dans la nuit de vendredi à samedi. Arrivé au pouvoir en 2003 par un coup d'Etat, puis élu en 2005, M.Bozizé, qui a sillonné le pays, a terminé sa campagne vendredi soir par un meeting devant 4000 à 5000 personnes, au stade de Bangui paré d'orange, couleur de son parti. Il s'est montré confiant de l'emporter, ses partisans scandant «1er tour, 1er tour». Bozizé, qui se présente comme le «rassembleur», «le bâtisseur» ou le garant de la paix, estime que son bilan de sept ans de pouvoir est «positif» et que «le peuple le sait». Ce scrutin, reporté d'avril 2010 à aujourd'hui après de multiples négociations, doit être l'aboutissement du grand dialogue national amorcé en 2008 entre pouvoir, opposition et groupes rebelles après des années de violences et de multiples coups d'Etat. Mais les principaux adversaires de M.Bozizé ont, a priori, mis en doute la régularité du vote. L'ex-Premier ministre (2001-2003) Martin Ziguélé, seul candidat à avoir comme M.Bozizé circulé partout dans le pays pour la campagne, s'est offert un dernier meeting devant 1000 à 2000 personnes sur une des avenues principales de Bangui. «Les listes (électorales) ne sont pas encore affichées (...). Depuis des mois, des fausses cartes d'électeurs circulent, les partisans de Bozizé vont délivrer des ordonnances à la pelle pour faire voter des gens qui ont des cartes illégales», accuse cet ancien assureur qui s'est forgé une réputation de bon gestionnaire. «Si les élections sont claires, Bozizé sera battu au 1er tour. On n'acceptera pas le résultat si les élections ne sont pas claires», prévient-il. Les listes électorales, que la commission électorale avait promis d'afficher 48 heures avant l'ouverture du scrutin, ne sont arrivées qu'en fin d'après-midi, vendredi, dans les écoles, qui constituent la majorité des bureaux. L'ancien président Ange-Félix Patassé, renversé par M. Bozizé, est l'auteur d'une campagne discrète mais il reste, selon certains observateurs, le plus grand rival du président sortant. Il se voit lui aussi dans la peau du vainqueur. «Bozizé va frauder 10% ou 20% des voix. Ce n'est pas grave, je le battrai quand même», clame-t-il. «Les Centrafricains sont derrière moi». Jean-Jacques Demafouth, ex-ministre de la Défense de M.Patassé et chef d'une des principales ex-rébellions ayant signé les accords de paix, dit lui aussi craindre la fraude. «On ne sait pas comment va se dérouler le vote, il y a le problème des listes, il n'y a pas assez d'observateurs. Mais c'est possible de battre Bozizé. Au 2e tour, j'accepterai le soutien de tout le monde», affirme-t-il. Le président sortant balaie les accusations d'intention de fraude. «L'opposition nous fait tourner en rond depuis un an et demi. Il est temps maintenant d'aller aux élections au lieu de tergiverser. C'est la démocratie. Mes adversaires ont été au pouvoir. Le pays a été saccagé, pillé. Aujourd'hui ils se présentent comme des anges. Ils ont fait couler le sang», dit-il. Il affirme même craindre «que l'opposition en perte de vitesse puisse choisir la violence en dernier réflexe». Les résultats provisoires devraient être annoncés dans les huit jours après le scrutin, pour lequel 1,8 million d'électeurs sur 4,4 millions de Centrafricains sont appelés aux urnes. Vendredi, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a souhaité des élections «crédibles, transparentes et inclusives».