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Le pays que la France veut oublier
Centrafrique
Publié dans La Nouvelle République le 25 - 03 - 2010


«C'est quoi la Centrafrique?
C'est où la Centrafrique ?» C'est la question que n'arrête pas de me poser mon fils depuis que je travaille à Bangui», explique un expatrié présent dans ce pays depuis plusieurs années. Son fils n'est pas le seul à se poser des questions. Car, c'est un peu comme si ce pays plus vaste que la France avait disparu des radars. Depuis les frasques de l'empereur Jean-Bedel Bokassa (au pouvoir de 1965 à 1979) et l'époque de ses chasses africaines avec Valéry Giscard d'Estaing, tout le monde semble avoir oublié cette ex-colonie française, située en Afrique centrale.
A l'époque de l'empereur Bokassa, Bangui faisait la une des médias français avec des affaires de diamants mais aussi de cannibalisme. Bokassa, l'ex-officier français, a été jugé à Bangui lors d'un procès retentissant: il était entre autres accusé d'avoir mangé certains de ses ennemis. Et d'emprisonner les époux des femmes qu'il trouvait à son goût. Longtemps proche de la France, Bokassa qui tenait à appeler de Gaulle «papa» avait fini par lasser Paris. La France a donné son feu vert aux putschistes qui l'ont renversé en 1979 après que son régime eut commis un terrible massacre d'enfants.
Aujourd'hui, la Centrafrique n'est plus sur les radars de la presse internationale. Alors même que l'actualité ne manque pas. L'élection présidentielle doit être organisée le 25 avril 2010. Le pouvoir a annoncé le 13 mars qu'il a déjoué une tentative de coup d'Etat. Le président François Bozizé, candidat à sa propre succession, est lui-même arrivé au pouvoir par les armes. Il a renversé en 2003 le président Ange Félix Patassé avant de se faire élire en 2005. Lors de la prochaine élection, il affrontera Patassé, celui qu'il avait renversé et qui s'était fait élire deux fois. Il s'agit d'une élection à haut risque. En Centrafrique, les processus électoraux contestés donnent très souvent lieu à des pillages. Et le pays est-il prêt à se rendre aux urnes ? Beaucoup en doutent.
«Pas pacifié»
Il est beaucoup trop tôt, estime l'opposition qui affirme que le «pays n'est pas pacifié» et que le recensement n'est pas achevé. Il est vrai que les rebellions sévissent dans de vastes parties du territoire. Dans le nord, des mouvements rebelles sèment la terreur. Et dans l'est, la LRA (L'armée de Résistance du Seigneur), venue de l'Ouganda et de la RDC, épouvante les populations. La LRA est l'un des mouvements rebelles les plus dangereux d'Afrique. Dirigée par Joseph Kony, elle capture des jeunes villageois centrafricains pour les transformer en enfants soldats. Selon les Nations unies,
200 000 Centrafricains sont déplacés à l'intérieur de leur pays. Plus de 80 000 sont réfugiés au Cameroun et 60 000 au Tchad. Près du dixième de la population centrafricaine a dû fuir sa région d'origine. Le pays compte 4,5 millions d'habitants.
L'armée centrafricaine mal équipée et peu motivée semble bien en peine de rétablir l'ordre. Les troupes françaises (des centaines d'hommes et plusieurs bases) ne peuvent pas davantage rétablir la paix sur l'ensemble du territoire. Le pouvoir central contrôle mal le pays à l'exception de Bangui. Mais, même dans la capitale, un climat diffus de peur règne. Au passage du convoi présidentiel, tout le monde prend la fuite. «Si vous ne vous écartez pas quand passe un convoi officiel, vous pouvez être battu. Et même abattu. C'est ainsi que nous avons perdu le seul radiologue de la ville. Distrait, il n'a pas vu venir le convoi. Du coup, il a été abattu», explique un habitant de Bangui, qui ajoute que la police a, elle aussi, la gâchette très facile. «Comme un chauffeur de taxi ne s'arrêtait pas assez rapidement, un policier a récemment tiré sur le véhicule. Il visait le chauffeur, mais il a tué un passager.»
La capitale est toujours traumatisée par le passage des troupes de Jean-Pierre Bemba en 2003. Le chef rebelle congolais avait été appelé à la rescousse par le président Ange Félix Patassé. Ses hommes avaient multiplié les exactions sur les populations locales, notamment des meurtres, des viols et des pillages. Jean Pierre Bemba devra répondre de ses actes devant le tribunal de la Haye en juillet prochain. La CPI (Cour pénale internationale) l'accuse de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.


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