La journée d'aujourd'hui servira de test pour jauger l'évolution du rapport de force. Le rapport de force rue - gouvernement, continue. La pression de la rue pour exiger la démission du gouvernement de transition et de ses ministres issus du régime Ben Ali, s'accentue à Tunis. Cela s'est produit alors que quelques partis politiques s'inscrivant pourtant dans l'opposition, veulent surfer sur la vague de la révolution de jasmin. Plus d'un millier de jeunes issus de la région du centre-ouest, pauvres et déshérités, en somme des laissés-pour-compte par le régime de Ben Ali, ont pris d'assaut l'avenue Habib Bourguiba. Une artère centrale et symbolique de la capitale où se déroulent des manifestations quotidiennes contre l'Exécutif provisoire. Arrivés dans la capitale à bord d'un convoi hétéroclite, les manifestants ont marché jusque devant le Palais de la Casbah, qui abrite les bureaux du Premier ministre. Ils ont été maintenus à distance du bâtiment par un double cordon de fils de fer barbelés, d'abord défendu par des policiers antiémeute puis par des militaires. Auparavant, ils ont déployé un vaste portrait de leur héros et martyr Mohamed Bouazizi devant le ministère de l'Intérieur. En fin de matinée, ils avaient pu faire reculer les barrages érigés autour des bureaux du Premier ministre Mohamed Ghannouchi, qui a été pendant onze ans au même poste du gouvernement sous Ben Ali. Les manifestants brandissaient les portraits des victimes de la répression du soulèvement populaire, au cours duquel au moins 100 personnes ont trouvé la mort, selon l'ONU. «Le peuple veut faire tomber ce gouvernement!», est le slogan scandé en coeur par les manifestants en ce troisième et dernier jour de deuil national, décrété par le gouvernement de transition. Parmi eux, comme depuis vendredi, des policiers en civil ou en uniforme, participent aux manifestations. Par leur présence dans les cortèges, ils tentent de se faire pardonner la féroce répression policière de la révolte populaire. Mais réclament également, la création d'un syndicat de police. Cependant, le gouvernement provisoire a annoncé la création d'une commission d'enquête sur la répression à balles réelles de la police. La «Caravane de la liberté» devait à l'origine rejoindre Tunis à pied, en quatre ou cinq jours. Mais les marcheurs n'ont visiblement pas de temps à perdre puisqu'ils avaient décidé de venir plus vite à bord de véhicules motorisés, bravant le couvre-feu. Très contesté, le gouvernement semble tabler sur un essoufflement du mouvement dans les jours à venir. Et s'efforce de se maintenir en relançant l'activité économique. En outre, le syndicat des enseignants du primaire a déjà convoqué une grève générale illimitée à partir de lundi pour exiger la formation d'un nouveau gouvernement débarrassé de tout cacique de l'époque Ben Ali. Par ailleurs, le ministre tunisien de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Ahmed Ibrahim, a appelé hier, les enseignants du primaire à renoncer à leur grève irresponsable. Il a profité de la réunion de sa formation pour justifier sa présence au gouvernement de transition, Exécutif très contesté par la rue qui exige sa dissolution.